Manuel Periáñez__________________________________________manuelperianez@gmail.com |
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Densités et destinées des densités
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LA DENSITÉ, LA NATURE ET L'IDENTITÉ
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Novembre 1996 Rapport de fin de contrat no 014 du 06/ 07/94 |
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Manuel Periáñez Association FAR, « La faute à Rousseau » |
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Sommaire
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1 - But de cette recherche et notion de densité urbaine
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2 - L'identité urbaine des deux sites d'enquêtes |
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3 - La densité 3.1 la densité à la Place des Fêtes 3.2 la densité dans le quartier des pavillons |
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4 - La nature 4.1 la nature à la Place des Fêtes 4.2 la nature dans le quartier des pavillons |
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5 - Conclusions |
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Annexes
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1 But de cette recherche et notion de densité |
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1.1 introduction Notre but était initialement d'examiner une hypothèse que l'éthologue Wolfgang Wickler a formulé vers 1965, selon laquelle l’érotisation de la ville serait un mécanisme de défense contre l'angoisse qu'elle provoque de par sa trop grande densité d'habitants, et d'y confronter notre idée, moins béhavioriste, selon laquelle la personnalité des habitants, les rappels symboliques de la nature et les supports d'identité qu'ils décèlent dans leur quartier remplissent, le cas échéant, une fonction anxiolytique comparable. Cette idée prend en compte la personnalité des habitants dans leur vécu de la densité urbaine, et fait intervenir un référent psychanalytique issu de l'école de pensée « environnementaliste » en psychanalyse, école de pensée qui va de Ferenczi à Winnicott en passant par Balint et Searles (école de pensée réputée « impure », là où la psychanalyse pure ne s'occupe pas des facteurs extérieurs mais uniquement de la vie intrapsychique). C'est un tel cadre que nous proposons pour tenter d'éclairer les effets de la densité urbaine : tenter de les décrire à travers une dynamique dedans-dehors, dynamique qui cherche à établir l'équipression dans la vie psychique des citadins entre les stimuli extérieurs et intérieurs. |
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Nous avons étudié ces effets de
la densité dans deux situations urbaines opposées, dans le même
quartier de Paris, Belleville, dans le 19e arrondissement (donc, à
offre urbaine quasiment identique par rapport au centre) : la
forte compacité et densité urbaine du quartier des tours locatives de
la Place des Fêtes (surstimulation sensorielle), et à 300m de là, la
faible densité urbaine du quartier pavillonnaire y attenant (au calme
presque campagnard d'anciens pavillons ouvriers devenus résidentiels).
Ces deux sites d'enquête présentent une grande diversité sociale,
culturelle et ethnique (les divers quartiers de Belleville sont peuplés
par une bonne douzaine de nationalités différentes aux comportements
culturels parfois opposés). L'objectif était d'interviewer en
profondeur 32 personnes « bien ciblées » (16 interviews dans
le quartier « surstimulé » et 16 dans le quartier
« campagnard »), au sujet de leur mode vie, leurs usages
concrets des différents espaces (familiaux, de proximité, du quartier
au sens large, de Paris et des loisirs dans la nature plus éloignée).
Il s'agit donc ici d'une recherche psychosociologique, sans
représentativité quantitative ; la préoccupation qui a dicté le
recrutement des interviewés a été celle de trouver des personnes ayant
quelque chose à dire sur leur quartier. Cependant (comme le montre le
tableau des caractéristiques des personnes interviewées en Annexe A4)
les 14 interviewés des tours et les 12 des pavillons présentent grosso modo un assez bon équilibre sociologique, à l'exception d'un nombre trop élevé de résidences secondaires. |
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Ce travail était en cours quand parut le n° 67 des Annales de la recherche urbaine, consacré à la densité urbaine. La lecture de certaines contributions à ce numéro nous a conforté dans le bien-fondé de notre démarche ; ainsi quand Hervé Le Bras, après avoir successivement examiné le peu d'effets de la densité aux niveaux national, régional et par type d'agglomération, conclut : « On a tendance en France à ne prêter attention qu'à deux niveaux de la société, la famille, sur le rôle de laquelle des fantaisies sont souvent émises, et l'organisation administrative et économique qui se situe à une échelle élevée. On oublie le cadre de la vie courante, des rencontres et des collaborations quotidiennes hors de la famille et hors de la vie publique, là où l'on quitte le parfaitement connu sans pour autant pénétrer dans le complet inconnu, dans cette pénombre des liens sociaux qui constitue pour la plupart des individus l'image concrète de la société » (1) |
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L'auteur propose de « descendre à un niveau encore plus fin », celui des comportements concrets de l'habitant dans son espace quotidien, de « suivre chacun mètre par mètre et seconde par seconde comme les cartes à l'échelle 1 que voulait dresser Borges ». C'est bien d'une telle manière que nous entendions délimiter notre champ de recherche, mais pour notre part nous rajoutons à la surface de ce champ la plongée dans la vie intrapsychique qui, elle aussi, connaît des densités différentes selon les moments. La dynamique qui s'établit entre les situations et attitudes des deux séries d'événements, extérieurs et intérieurs à l'individu, jusqu'à atteindre la situation d'équilibre que nous appelons « équipression », offre une multitude de tableaux dont nous avons tenté de décrire ceux qui paraissent typiques, et qui semblent suffisants pour permettre de penser les autres. |
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La nature se situe, au plan de ses significations inconscientes, clairement du côté des éléments maternels. Les diverses configurations sous lesquelles apparaît la nature (réelle ou imaginée) répondent facilement aux différentes figures de la mère : Mère archaïque mauvaise (la mer démontée, par exemple, ou le tremblement de terre), ou Mère nourricière bonne et protectrice des origines, ou Mère initiatrice facilitant l'acquisition graduelle de l'autonomie (Winnicott). Nous avons analysé, dans un travail déjà ancien sur les résidences secondaires (2), le recours à la nature comme répondant à la demande des citadins de pouvoir accomplir un mouvement regrédient-progrédient pour restaurer leur psychisme stressé par la vie urbaine. Dans ce travail nous distinguions entre les attitudes des habitants possédant une bonne capacité de frustration, pour lesquels l'agir au dehors s'impose avec moins d'acuité, et ceux qu'un manque-à-fantasmer pousse à l'aventure des week-ends dans la nature ; celle-ci pouvant être la nature calme et domestiquée de la campagne ou la « vraie » nature sauvage de la mer ou la montagne. Depuis, la vogue de l'aventure extrême (les « conquérants de l'inutile », Ushuaïa, etc.) semble indiquer une augmentation de la seconde attitude. |
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En ville, sans fuite réparatrice praticable dans le quotidien, nous disposons (inégalement selon les personnalités de chacun) d'une certaine capacité d'effectuer ce mouvement regrédient-progrédient en nous soutenant de la seule symbolique de la nature : parcs, squares et jardinets privés ; des simples plantes d'appartement parfois, ainsi que les animaux domestiques (record mondial des chiens à Paris...). Voire pour les plus autonomes (ayant sans doute bénéficié d'un maximum de maternance jadis), le simple spectacle naturel du ciel et de la lumière changeant selon les saisons. |
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La rêverie urbaine, comme tout travail de rêve, doit négocier entre les principes de plaisir et de réalité. La perception de l'offre urbaine réelle du quartier fonctionne dans le registre du principe de réalité, qui rappelle le désir à la patience et à la mesure : quelque chose en sera accompli, mais peu, et tard... et à condition de composer avec cette offre réelle. Il y a donc du conflit. Cette conflictualité induite par la perception des réalités du quartier serait, c'est notre hypothèse, constamment réduite, travaillée, gérée en somme par la prise en compte de l'autre offre urbaine, l'offre urbaine symbolique du quartier. Le sentiment d'identité lié au quartier parvient à s'imposer — ou échoue — selon que l'interaction de ces deux offres trouve à se projeter et ainsi à créer du sens. La recherche, l'évitement ou l'indifférence « naturalisée » envers les différentes situations de densité et des rappels de la nature dans le quartier (et dans Paris, voire dans le monde) sont également pris dans une telle pratique identitaire et culturelle. |
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Mais ces significations accordées aux items urbains restent labiles tant qu'elles sont privées, rêvées par l'individu seul. Le sens de l'urbain se fonderait sur la communication interindividuelle de ces significations, sur leur étalonnage mutuel dans l'échange : passage du fantasme au « mythe de quartier », conçu comme fantasme collectif et socialisé. Les items architectoniques de l'offre urbaine réelle se doublent donc d'un caractère symbolique des lieux, qui culmine dans la représentation d'une totalité vivante et différenciée, le quartier : la somme ou la résultante collective des mythes personnels autour de l'urbain accessible et pratiqué dans le quotidien et autour de la conscience de la dimension de l'échange. Et, au delà, ce fonctionnement permet le sentiment d'appartenir à un quartier-village, mais aussi d'avoir une représentation de la totalité de la ville, ainsi que de l'inscription planétaire de celle-ci... Il semble raisonnable de penser que l'interaction entre données culturelles et psychosociales d'une part, et celles des différentes densités urbaines, de l'autre, produisent un fécond enchevêtrement qui est celui même de la vie citadine. Les deux types d'offre urbaine, réelle et symbolique, nouent entre eux différents rapports dans « l'imaginaire social » (3). |
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Sans préjuger de la nature de ces rapports, le rapport de complémentarité et celui que nous dirons dialectique (car fait de passages brusques du quantitatif au qualitatif) retiendront davantage notre attention : il suffit parfois d'un « presque rien » (Jankélévitch) matériel, imaginaire ou fait de l'oscillation dialectique de ces deux pôles, pour passer brusquement d'un vécu de l'urbain en termes de non-ville anomique à celui de ville eunomique, dans laquelle l'habitant ou l'usager occasionnel peuvent lire que la vie a un sens et qu'elle vaut la peine d'être vécue (Winnicott). En émerge t-il le désir d'en faire partie, mieux, de se reconnaître une partie de soi comme originée de cette ville ? Conflictualité, donc, des origines culturelles réelles souvent bigarrées des habitants des deux quartiers ici étudiés, des identifications que leur permet, ou non, la ville, et de l'incidence de la densité et de la nature sur l'ensemble de ce vivier de l'imaginaire social urbain. La dimension ethnopsychanalytique est dès lors clairement nécessaire dans ces quartiers où vivre et faire ensemble ne réussit qu'à travers une multiple transculturation, qu'il s'agisse de la douzaine de cultures « nationales » actées à Belleville, ou de sub-cultures populaires françaises, ou de façons d'agir « fonctionnellement » urbaines. |
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La « lecture identifiante » de l'urbain, à la fois source et conséquence du sentiment d'identité de quartier, nous semble cependant exister à des degrés assez divers selon les individus : il est tout autant possible (même si cela est rare, et donc intéressant) de vivre de l’anomie dans un quartier à dominante eunomique que l'inverse, et il est possible également d’être relativement indifférent à toute problématique urbaine. |
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Nous nous sommes attaché particulièrement à la façon dont les identités, les densités et la nature organisent la déambulation apparemment « errante » des flâneurs dans ces quartiers, la promenade-rêverie, et même la flânerie imaginaire (celle pour laquelle on n'a jamais le temps : potentialités perçues dans l'offre urbaine). Également, leur corollaire, les lieux-repoussoir, ceux où pour rien au monde on ne voudrait aller. Encore moins habiter : les endroits dans le quartier auxquels on s'attache au point de penser pouvoir y habiter sont de toute évidence très importants. |
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1.2 diabolisation de la Ville, angélisation de la Nature |
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Dans le numéro des Annales de la recherche urbaine consacré à la densité, presque chaque article passe en revue différentes acceptions de la notion, ainsi que de l'utilisation qui a pu en être faite dans l'histoire de l'urbanisme. Mais, sauf erreur de notre part, aucune de ces contributions (toutes très intéressantes par ailleurs) ne signale que la préconisation d'une forte densité urbaine par certains penseurs de la chose urbaine correspond à un malentendu culturel qui l'identifie à l’idée de vitalité, comme le rappellait naguère Françoise Choay (4). Ces urbanistes (Le Corbusier en premier lieu, qui préconise 400 hab/ha, contre 50 hab/ha en pavillon) semblent bien faire un amalgame entre la notion de densité d'habitants par hectare, et une qualité enviable de la vie urbaine qui est celle de la vitalité des quartiers des centre-ville (vivacité, animation, rencontres, échanges : la vie tout court). Chez ses détracteurs, par contre, la notion de densité urbaine est la forme intellectualisée du vieux mythe de la ville comme lieu de toutes les perditions, morales, politiques et sanitaires, la Babylone qu'il faut autant que possible fuir en se réfugiant à la campagne pour y mener une vie saine et au grand air. Ces deux partis s'affrontent sans doute depuis la révolution du Néolithique et la création des premières villes... |
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Très ancienne, la dénonciation du stress urbain remonte à la Rome de Juvénal et Martial, qui avait atteint le million d'habitants ; et Boileau dans ses Embarras de Paris décrit la mauvaise humeur des piétons victimes de l'encombrement des rues, du bruit des charrettes et de leur manque de temps. Si l'aspect moralisant de la dénonciation de la ville avait déjà perdu beaucoup de sa force à Rome, comme le rappelle Bernard Oudin (5), le mythe de la ville maléfique reprendra à Paris un nouvel essor au XIXe siècle lors de l'afflux de 250 000 ruraux déracinés par la révolution industrielle entre 1830 et 1845, et avec « l'entassement dans les taudis et les banlieues d'une humanité misérable et déracinée ». C'est le Paris des Misérables de Victor Hugo, celui des « classes dangereuses prêtes à fondre sur les beaux quartiers » habitant Belleville et autres faubourgs (6). |
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C'est plus tard aussi, avec Londres, une « Babylone moderne », ville-pêcheresse où la prostitution est un phénomène massif, et où le crime urbain, avec l'avènement du roman policier, devient un élément important du mythe de cette ville néfaste. « Paris — La grande prostituée. Paradis des femmes, enfer des chevaux », écrivait encore Flaubert (un peu misogyne, mais ami des bêtes) dans son Dictionnaire des idées reçues (7), et c'est bien là un écho tardif des imprécations bibliques au sujet de Babylone — mais Jérusalem, paraît-il, était dans le même cas. Le nouvel essor du mythe se fera sur tous les plans à la fois : celui de la Babylone moderne, celui de la grande peur des nantis et de celui de la criminalité réelle, mais aussi celui, nouveau, d’un rapport d'horreur-fascination devant l'efficacité (économique, culturelle, communicationnelle) de la grande ville. Le mythe semble culminer en 1926 (quatre années après le choc du « Plan Voisin » de Paris de Le Corbusier) avec le film Metropolis de Fritz Lang, qui associera le machinisme au mythe de la ville infernale. La version actuelle de la diabolisation de la ville continue à s'appuyer sur l'équivalence densité = ville, dont les effets néfastes sont maintenant désignés comme étant ceux du stress, des nuisances (bruit) et de la pollution (air), avec comme emblème l'architecture des tours (surtout en béton : « le béton qui tue ». Donc, densité = enfer. |
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En miroir, la Nature fait l'objet, elle, d'une mythification positive dont Rousseau est loin d'avoir été le seul responsable. « Dans l'esprit du citadin rousseauiste, le mythe de la nature se confond avec celui, tout aussi paradoxal, du mode de vie rural, sain reposant, adapté au cycle naturel et aux saisons, garantie de longévité et de résistance au détraquement mental et à l'infarctus » (8). De fait les Français sont parmi les plus grands utilisateurs de résidences secondaires. Ils sont aussi recordmen pour la consommation de tranquillisants, de sondages d'opinion, et la possession d'animaux de compagnie, toutes choses qui vont dans le même sens, et qui indiquent bien que les Français éprouvent un malaise devant la modernité ; sans que l’on sache s'ils vivent un plus grand malaise que d'autres peuples socioculturellement proches, s'ils vivent plus intensément le même malaise, ou s'ils réagissent plus vivement à un malaise moindre que celui de leurs voisins... La comparaison sociologique entre la ville et la campagne, on le sait, montre un bilan assez défavorable à cette dernière : plus courte espérance de vie (cirrhose, etc.), ruine endémique des agriculteurs, accidents et criminalité plus fréquents par tête d'habitants ; mais tout cela ne concerne bien sûr que la campagne réelle, la campagne agricole si on ose le pléonasme, et non pas celle des parisiens. Le phénomène de la résidence secondaire est si bien passé dans les habitudes des citadins que le mot « campagne » désigne le plus souvent dans leur bouche la pseudo-campagne de leurs fins de semaine au vert. Le stress agricole reste ainsi inconnu des stressologues. Toujours à contre-courant, Oscar Wilde l'avait sans doute compris, qui écrivait : |
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« La nature est inconfortable. L'herbe est dure, humide, pleine d'horribles insectes noirs. Si la nature avait été confortable, jamais l'humanité n'aurait inventé l'architecture. Seule une maison nous donne l'idée de ce que sont d'exactes proportions. Tout nous y est subordonné, tout y est conçu pour notre usage et notre plaisir. Les portes franchies, on devient abstrait et impersonnel, notre individualité nous quitte. La nature est si indifférente. Quand je me promène dans le parc, j'ai toujours l'impression que je ne compte pas plus pour elle que le bétail qui broute sur le pré. Il est évident que la nature déteste l'esprit. » (9) |
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Ceci nous conduit à nous interroger sur une éventuelle dénégation des dangers attribués à la ville comme à la nature, qui seraient en réalité exactement à l'inverse du discours dominant : la nature est diabolique, la ville est angélique. Et c'est pour ressourcer notre vie pulsionnelle archaïque, datant au moins de la Guerre du feu, que nous passons nos week-ends à la campagne. Dans son excellent ouvrage déjà cité Mémoire de singe, parole d'homme, Boris Cyrulnik insiste en effet sur le besoin fondamental de danger et d'insécurité (et de leurs signaux) pour que la vie vaille la peine d'être vécue : |
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« Les neurophysiologistes nous ont appris que l'habituation est anesthésiante, privative de la conscience de vivre. Seule la différence de deux sensations est stimulante, vivante. Après avoir été repu, le retour à la faim est nécessaire. Rien n'est plus stimulant que le besoin. C'est le manque qui nous met le plus en appétit de vivre. L'agression la plus importante pour un enfant est de ne pas en subir. J'ai toujours été frappé par l'immense malheur, la réelle souffrance de ces enfants trop protégés [...]. Ce qu'ils veulent, comme l'aigle, c'est chasser, manquer d'aliments, risquer la mort pour se donner l'envie de vivre. » (10) |
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Il est donc difficile, entre la ville et la nature, de condamner l'une et d'encenser l'autre ; tout ce que nous pouvons faire est d'essayer d'étudier les significations que les individus leur attribuent, et si possible d'esquisser une dynamique de ces significations. Sans méconnaître l'importance des facteurs physiques des nuisances pouvant conduire à différentes sortes de stress, nous privilégions le domaine des significations comme étant le plus souvent déterminant. Dans sa synthèse très complète sur les « stress urbains », G. Moser (11), pourtant psychologue behavioriste classique, en vient finalement à reconnaître que « la classification des différents stress environnementaux fait apparaître l'importance de la prise en compte de la perception et de l'évaluation par l'individu [...] qui est ainsi au centre de l'analyse des effets de stress, les caractéristiques physiques s'avérant beaucoup moins importantes que les variables individuelles qui conditionnent son appréhension par l'individu » (p.28). On ne saurait mieux résumer l'état des lieux d'une discussion qui s'ouvrit, dans le domaine du bruit, en 1975 avec notre recherche sur les significations de la gêne (12). L'explication classique du stress urbain consiste à penser que celui-ci résulte de l'incapacité pour le citadin à traiter de façon adéquate toutes les informations qui lui parviennent simultanément. La fonction symbolique permet, au contraire, de créer du sens dans l'urbain et d'atténuer la surstimulation par un ressourcement dans la permanence immobile, l'inaltérabilité des symboles. La fonction ludique, enfin, est la plus importante dans cette perspective car (quand l'individu y parvient) elle gère le mouvement, coloré d'affects divers allant de l'agressif jusqu'au libidinal, des réponses du Moi à ces percepts anxiogènes. |
12 - Manuel Periáñez, 1975 Les significations de la gêne attribuée aux bruits dans l'habiter, (avec Fl. Desbons), CEP. |
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1.3 critique de l'hypothèse de l’érotisation de la densité |
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L'hypothèse déjà citée de Wickler (l'érotisation de la ville serait un mécanisme de défense contre l'angoisse qu'elle provoque) nous avait vivement intéressé, par sa proximité avec l'idée de Freud concernant la gestion pulsionnelle. Ici, face aux stimulations abondantes que fournit incessamment la ville (y compris la nuit, au plan sonore), cette « gestion » serait celle, en termes freudiens, du choix devant chaque percept entre pulsion agressive ou pulsion libidinale. Le terme « érotisation » prête à confusion, selon qu'il est entendu dans son sens courant (un euphémisme pour sexualisation) ou au sens freudien (excitation libidinale n'aboutissant pas forcément à du sexuel : tous les plaisirs de l'existence correspondent donc à des objets « érotisés » dans un rapport certes libidinal, mais non nécessairement libidineux). Mais il est assez évident que pour Wickler il s'agissait bien d'une sexualisation croissante de la vie urbaine où il y a de plus en plus de stimuli directement sexuels. Rappelons aussi que pour les comportementalistes, le stress se définit précisément par le débordement de la capacité de gestion des stimuli (13). |
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Nous avions lu cette hypothèse dans le livre déjà cité de Boris Cyrulnik (14), et correspondu avec l'auteur en lui demandant la source de sa citation. Cyrulnik répondit très aimablement que Wickler écrit cela dans son livre Les lois naturelles du mariage (15). Or, elle n'y figure pas ! Par contre, à la page 72, Wickler y signale un autre effet de la densité lors d'une expérience due à Hutt et Vaizey : des enfants jouent dans une salle, dans des groupes de 5 enfants, de 6 à 10, ou de plus de 10 enfants. Les contacts entre enfants diminuent avec la densité ; si celle-ci augmente encore, des conflits éclatent ; au delà de 11 enfants (pour 45m², soit 4m²/enfant), « les querelles se firent nettement plus vives ; les enfants maltraitaient et détruisaient les jouets : ceci montre que les tendances agressives étaient détournées sur les jouets au lieu de s'exercer contre les autres enfants. Ce comportement laisse penser que l'homme dispose de mécanismes régulateurs, indépendants de la densité de population, qui modifient son comportement. Il faut noter que les enfants atteints de lésions cérébrales, placés dans les mêmes conditions, se montrent beaucoup plus agressifs ; s'ils sont mêlés à des enfants normaux, dans une pièce surpeuplée, ils ont nettement l'avantage sur leurs voisins. » |
14 - Boris Cyrulnik, Mémoire de singe et paroles d’homme, 1983, Hachette Pluriel, p.33.
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Il nous faudra lire Searles pour reconstruire la citation de Wickler. Selon Searles, l'environnement non-humain est érotisé au sens freudien, comme nous le verrons un peu plus loin. Quoi qu'il en soit de la citation, de nombreux auteurs, l'expérience clinique, ainsi que l'expérience humaine courante témoignent en faveur de l'idée que la sexualité apaise bien l'angoisse. Le problème est que si la sexualité aboutie apaise l'angoisse, il n'en va pas forcément de même avec des excitations dans la rue ! Le passage du livre de Cyrulnik où il croit citer Wickler contient donc une idée de Cyrulnik lisant du Wickler, et qu'il a trop modestement attribuée à ce dernier. Wickler écrit ailleurs : |
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« Il est évident que le comportement sexuel, au sens strict ou large, se manifeste beaucoup plus souvent chez les êtres humains que ne l'exigerait la simple nécessité d'assurer la descendance. L'effet dit d'hyper-sexualisation se révèle généralement là où plusieurs "troupes" humaines sont forcées à vivre en contact étroit. Il s'avère cependant que des traits du comportement sexuel humain (tout comme chez les vertébrés non humains) ne jouent pas seulement un rôle dans la formation de la personnalité (Spitz, 1962) mais remplissent aussi des fonctions sociales extra-sexuelles. Ceci indiquerait dès lors, que bon nombre d'activités, gestes et signaux de parade, habituellement considérés comme "sexuels", pourraient s'être libérés pour s'attacher à une motivation non sexuelle, de façon à assurer la fonction d'établissement et de maintien des bonnes relations entre les membres de la communauté, probablement par compensation de leurs tendances agressives (ou agonistiques). On peut s'attendre à ce que ces gestes et activités soient très semblables à leurs homologues sexualisés (pour des raisons discutées précédemment) » (16). |
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Nous pensons, à la suite de Cyrulnik/Wickler, que les réponses humaines « érotisées » aux percepts urbains l'emportent depuis toujours sur les réponses agressives, sinon il n'y aurait pas de villes. L'érotisation de l'urbain, pour la définir par la négative, ce serait tout ce que la ville permet dans ce domaine et qu'un village ne permet surtout pas : « Libertinage — ne se voit que dans les grandes villes » nous dit encore Flaubert (17). Nous ne confondons pas cependant cette érotisation de la ville avec l'existence, séculaire, de quartiers chauds bien délimités, ni avec les pratiques sexuelles réelles : il s'agit beaucoup plus d'imaginaire (de « fantasmes » au sens populaire du terme) que d'actes, fantasmes sous-tendus par l'offre urbaine croissante d'images à connotation érotique (publicités, annonces directement érotiques, mais aussi des modalités culturelles de communication subtilement érotisée). Par exemple, l'entassement dans le métro aux heures de pointe est angoissant pour une majorité de personnes (40 000 hab/ha !). Mais L’érotisation de cette situation désagréable de promiscuité permet, sans aucun acte, d'en annuler l'aspect angoissant et d'en transformer le vécu en termes amusants, plaisants... sauf pour les individus dont l'organisation psychique et/ou la culture d'origine tendent à culpabiliser l'activité imaginaire même (les idées étant déjà des actes). |
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Nous sommes ici dans le droit fil freudien de l'opposition
entre Éros et Thanatos, mais aussi à un lieu de passage entre éthologie
et psychanalyse. Dans cette optique, les récentes montées en puissance à
la fois de l'insécurité et de l’érotisation urbaines constitueraient
des signes du degré d'angoisse atteint dans les villes aussi bien que
de la libération ou déculpabilisation dans l'imaginaire social d'un
recours ludique à l’érotisation pour tenter de la combattre. Au plan
psychanalytique on est proche ici du mécanisme inconscient de l'humour,
conçu comme une « autorisation » ou alliance temporaire du
Surmoi avec le Moi pour faire face à une réalité extérieure perçue
comme « exagérée » (donc, stressante). |
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1.4 l'hypothèse de l'équipression psychique dedans-dehors |
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Wickler semble considérer la ville comme un milieu écologique
dysfonctionnel pour l'humain... terrain où nous ne le suivrons guère,
car malgré toutes les nuisances, la ville, comme pour Freud la névrose,
est synonyme de civilisation. En revanche, la problématique de la
densité urbaine participe pleinement à cette hypothèse principale si on
prend en compte les travaux d'autres éthologues selon lesquels la
surpopulation entraîne une surstimulation sensorielle permanente. La morale de cette histoire serait que la forte densité assure potentiellement les occasions plaisantes, quand on sait s'isoler de la plupart des événements déplaisants qu'elle véhicule tout autant. Par contre la faible densité n'assure pas le minimum « brownien » des occasions stimulantes recherchées par ceux qui vivent des situations comparables à nos paysans-vacanciers. De même, on peut se protéger contre le bruit des autres, mais dans la solitude, impossible de recréer leur présence (sauf sur le mode hallucinatoire, cf. Robinson Crusoë). Donc, la forte densité semble a priori préférable, qui permet de choisir au plan symbolique la vie contre la mort. Tout cela, pensons nous, était implicite dans l'éloge corbuséen de la densification, et ne s'explicite que par un détour par la vitalité. |
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Harold Searles a écrit il y a quarante ans un livre passé largement inaperçu, dans lequel il récupérait l'environnement non humain dans la théorie psychanalytique, comme une quatrième instance en somme, venant compléter les trois premières dues à Freud (le Ça, le Moi, le Surmoi) : « La thèse de ce livre est que l’élément non humain de l'environnement de l'homme forme l'un des constituants les plus fondamentaux de la vie psychique. » (18) |
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Par environnement non humain, il entend essentiellement les animaux et les plantes perçus par de jeunes enfants, plus rarement l'environnement construit. Citant de très nombreux exemples cliniques issus de sa pratique de thérapeute de la psychose, Searles étaye cette thèse où il traite successivement de l'environnement non humain dans la vie de l'individu sain, puis de l'individu malade, avant de terminer par le rôle du contexte socioculturel. Cette lecture s'est avérée stimulante pour notre réflexion sur les attitudes des citadins dans des densités différentes. Ainsi, Searles écrit (p.89) au sujet des sentiments portés par l'enfant sain à l'environnement : « qu'il s'agisse, d'ailleurs, de défauts ou de qualités, l'élément non humain constitue un milieu relativement transparent qui à la fois invite et aide l'enfant à se voir tel qu'il est réellement ; alors que dans le monde plus complexe des relations interpersonnelles, il lui est bien facile de se convaincre que ce qui se passe se déroule hors de sa participation et de sa responsabilité. [...] Joue également le fait que dans ses relations avec l'élément non humain, l'enfant est affranchi des mots — ces mots, qui, dans ses rapports avec d'autres humains, jettent si souvent la confusion dans son esprit. » Searles décrit plus loin, parmi les attitudes moins saines, la misanthropie qui résulte d'une adolescence mal vécue débouchant sur un investissement durable avec la nature (ou des objets inertes) plutôt qu'avec ses semblables ; il parle également de l'ambivalence devant le monde non humain, « le conflit entre l'aspiration à se fondre totalement dans le monde non humain et l'angoisse d'y parvenir et de perdre ainsi sa singularité d'être humain » (p.110). Nous pouvons dès lors entrevoir quatre attitudes possibles chez le citadin : |
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Winnicott, en théorisant le recours à des objets transitionnels et à « l'espace transitionnel » lors de la psychogenèse de l'enfant comme étant un espace mental virtuel qui n'est ni un dehors ni un dedans, identifie une aire de l'expérience culturelle, un espace ludique qui est moins un espace de transition qu'un espace de liberté où est donnée la possibilité d'élaborer des compromis entre le dedans (la nature « brute » des pulsions endogènes) et le dehors (la nature socialisée devenant progressivement de la culture). La délimitation d'un dehors et d'un dedans maîtrisée par ces mécanismes, permet à l'enfant de construire une interaction entre ce qui touche à la réalité intérieure de ses propres pulsions et fantasmes, et ce qui relève de la réalité extérieure. La création culturelle naîtra ainsi du choc de ces deux champs psychiques, favorisant la construction graduelle d'un être capable de se singulariser par ses propres productions. |
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Dans les premiers mois de l'enfance la mère gère un processus de détachement ; le foetus puis le nouveau-né font corps avec la mère (dyade fusionnelle) ; celle-ci, en manipulant l'enfant et en se déplaçant elle-même dans l'espace permet la prise de conscience de la réalité extérieure. On passe alors de ce que Winnicott appelle le « holding » au « handling ». Ce passage est facilité par le recours à des « objets transitionnels » tels que le « doudou » dont l'appartenance corporelle reste floue ; l'objet transitionnel fait en même temps partie de soi et de la mère. C'est un objet à moitié externe et à moitié interne. L'architecture de l'habitat qui enveloppe l'enfant peut avoir, elle aussi, un rôle d'auxiliaire qui prolonge le rôle de la mère tout en organisant le rapport à la réalité extérieure. Le jeu sur la profondeur de l'espace et son ouverture sur l'extérieur par des fenêtres et des portes peut s'apparenter à la fonction de l'espace transitionnel : « Home is where we start from » (19). |
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Concernant la relation à la nature, la psychogenèse
winnicottienne montre ainsi que si Ia première « nature » est
la mère, celle-ci initie aussitôt l'enfant à une deuxième
« nature » qui est l'apprentissage de la vie, c'est à dire la
culture. Il serait intéressant de mettre en parallèle cette
psychogenèse de la relation à la nature caractérisée par la
toute-puissance de la mère avec les théories des origines qui reviennent
dans un certain nombre d'écrits d'urbanistes, et qui font elles aussi
référence à la mère nature, mais cette fois du point de vue des
représentations conscientes. L'importance particulière de ce maternage
chez l'humain, que Winnicott appelle significativement l’« indwelling »,
permet de dire que le premier habitat de l'enfant est le corps de sa
mère, ce qui constitue un prototype de sa relation ultérieure à la
nature ; et qui, dans le même ordre d'idées, inscrira la femme
dans l'ordre de la nature, au plan fantasmatique et mythique. La création nécessite un double affranchissement des réalités intérieures et des contingences extérieures, de la nature des pulsions internes et de la culture imposée par le monde extérieur. Processus certes fort complexe puisque aux pulsions « naturelles » se mêlent les fantasmes, liés aux représentations conscientes que l'on peut en avoir, tandis que la culture est, elle, toujours le produit d'un processus d'élaboration de ce monde psychique « naturel » des origines... Si la densité urbaine se présente d'abord pour nous comme une densité humaine dans la ville, on conçoit aisément au vu des réflexions qui précédent qu'il faille en repenser la notion dans la dialectique qu'entretient sa promesse de vitalité avec celle, plus ou moins grande, de la vie psychique humaine. Les individus, eux aussi, traversent des états psychiques que, pour éviter de jargonner davantage on pourrait simplement décrire comme plus ou moins denses (ne dit-on pas « une écriture dense », « une pensée dense »), et ces densités intrapsychiques viennent jouer ou s'affronter, avec ou contre, les événements suscités par la vitalité de la densité urbaine. L'exigence d'homéostase, d'équilibre du Moi, ou si on préfère, d'équipression psychique entre le dedans et le dehors, ne perdant jamais ses droits, nous pouvons alors reformuler nos quatre attitudes issues de la lecture de Searles en quatre situations typiques : |
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On voit donc que, comme pour le cholestérol, la forte densité urbaine pourra, selon les cas, être bonne ou mauvaise, et la faible de même. Il n'y a pas de densité bonne ou mauvaise en elle-même. On voit également qu'une régulation immédiate des conflits ne peut s'obtenir que dans l'imaginaire, en agissant sur la vie intrapsychique, de diverses façons dont nous essaierons de rendre compte par les exemples trouvés chez les personnes interviewées dans chacun des deux quartiers. |
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L'identité urbaine des deux sites d'enquêtes |
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2.1 spécificités sociohistoriques de Belleville |
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Les deux situations opposées de densité urbaine sont visibles sur les documents reproduits ci après (photo aérienne de l’IGN et plan de situation). La densité résidentielle du quartier pavillonnaire appelé souvent « la campagne à Paris » peut être estimée à 130 hab/ha ; celle du quartier de la Place des Fêtes à 1000 hab/ha. Ces deux densités sont donc très contrastées, dans un rayon de 200 m autour de la « ville haute » des quelque quinze tours (dont quatre IGH de 27 étages) de la Place des Fêtes vivent environ 20 000 personnes sur 20 ha, et dans un périmètre de 15 ha, le quartier de « la campagne à Paris » est habité, lui, par 2 000 personnes tout au plus. La compacité de la ville haute dégage ainsi des prospects vastes, notamment des vues d'ensemble sur Paris, très appréciés dans ce quartier, et dont sont privés les pavillonnaires, qui, eux, se disent pour leur part ravis d'être « à la campagne ». |
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Il faut cependant situer l'ensemble des représentations
urbaines des habitants de ces deux quartiers par rapport au référent
« Belleville », celui d'un quartier populaire qui reste
mythique malgré le changement social de sa population ; un fait
urbain rare. |
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Si l'image de Belleville reste, aujourd'hui encore, largement celle du « bastion de la classe dangereuse » qu'il fut réellement pendant la Révolution de 1848 et au moment de la Commune en 1871, c'est par un effet de la mythologisation des lieux de mémoire bien davantage que par sa composition sociologique actuelle. Force donc, de la dimension mythique. Dimension qui s'attache également aux autres anciens faubourgs de Paris, presque tous situés sur les collines : la Butte-aux-Cailles et Montparnasse, Montmartre, Belleville et Ménilmontant, collines abandonnées aux classes pauvres par Haussmann, qui restèrent jusqu'à leur rattachement à Paris en 1860 à l'état de villages où le mode de vie rural tint tête longtemps au centre-ville. Leurs habitants vivaient « à la campagne à Paris », le nom que continuent à porter d'ailleurs deux ou trois quartiers pavillonnaires dont celui que nous étudions ici. Les laissés-pour-compte de la rénovation haussmannienne peuplèrent massivement Belleville ainsi que les autres faubourgs, non seulement pour des raisons foncières (le prix des loyers), mais aussi politiques. La densité de rebelles et révolutionnaires à Belleville fera dire à un auteur bourgeois : « perchée sur ses hauteurs, la classe dangereuse rumine ses mauvais coups, prête à fondre sur les beaux quartiers » (21). Raison pour laquelle Belleville fut prudemment découpée entre les XIXe et XXe arrondissements en 1860. |
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Les hauteurs possèdent des qualités certaines telles que le
grand air, la luminosité, et de vastes panoramas. Leurs habitants ont
souvent une mentalité spécifique, cultivant la différence de ces hauts
lieux facilement chauvins. À Belleville, l'agrément paysager du
belvédère semble avoir été déterminant pour le caractère du lieu et
serait même aux origines du nom, dérivé de Beauregard (le nom jadis de
la butte de la Place des Fêtes), en passant par Bellevue (encore de nos
jours le nom d'une des rues près de cette Place, qui constitue la
frontière entre nos deux quartiers). Belleville passa de 8 000 habitants en 1835, à 30 000 dix ans
plus tard. Une nouvelle population d'artisans, prolétaires et de petites
gens allaient jeter la base sociologique de l'identité de cette
commune. Cette première « rénovation urbaine » n'est jamais
dénoncée, ni mise sur le même plan que celle des années 1970, par les
nostalgiques actuels du passé bellevillois et du mode de vie
villageois. Que la destruction du mode de vie précédent, presque
uniquement rural-horticole, ne soit pas un support de nostalgie
comparable à la perte de la convivialité ouvrière montre bien, pensons
nous, que c'est le monde ouvrier qui a été le fondateur du mythe du
quartier. |
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C'est sans doute sur la toile de
fond de cette tragédie qu'il faut apprécier le choc, un siècle plus
tard, d'une opération de rénovation urbaine sur les hauteurs de
Belleville qui se solda vers 1971 par le départ de presque 6 500
habitants, dont beaucoup vers la banlieue, et dont 200 seulement
trouvèrent le moyen de revenir. Les massacres de la Commune et les
souffrances infiniment plus légères de la rénovation urbaine sont deux
événements qui, de nombreux entretiens avec les habitants en témoignent,
marquent le plus décisivement l'imaginaire du quartier. Il s'agit de
la légende du quartier, structurée par deux traumatismes qui, aussi
inégaux qu'ils soient historiquement, semblent bien frapper
pareillement les esprits. |
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Ces néo-bellevillois ont tendance, tout en habitant les tours, à déplorer la rénovation urbaine dont elles sont issues et à encenser la vie dans les petits pavillons adjacents, vie qu'ils ne connaissent que très rarement, et qu'ils ne cherchent pas à connaître (peut-être pressentent-ils que cela vaut mieux pour préserver l'idéal pavillonnaire). Ils mettent facilement sur le compte de « l'urbanisme destructeur » le passage historique de la vie villageoise à la vie urbaine parisienne contemporaine, celle-ci étant dévalorisée au regard de l'encensement nostalgique et quelque peu fétichiste des vieilles pierres. Nous retrouvons nos néo-bellevillois dans le portrait ironique que fait Alain Schifres de ceux qu'il appelle « les faubourgeois » : « Une variété intéressante du Nouveau Parisien est le jeune faubourgeois à poil raide. Le faubourgeois est un de ces pionniers qui, au Nord et à l'Est, disputent l'espace aux faubouriens. C'est qu'il ne veut pas vivre chez les bourges (le voudrait-il, il n'en a pas les moyens). Les bourges sont chiants, leurs femmes ont de petits sacs avec une chaîne dorée. Leurs rues le soir sont des cimetières. Le rêve du faubourgeois est d'habiter un vrai quartier populaire. [...] À mesure qu'avance le faubourgeois, hélas, le faubourien recule. C'est que l'animal fait monter les prix comme il respire. Il est à la recherche du fameux tissu urbain, mais la ville se démaille à son approche. [...] Il y a des signes qui ne trompent pas ; ils marquent la progression du faubourgeois. Ainsi nos alpages sont-ils devenus des hauts. On n’habite plus à Belleville mais les "hauts de Belleville" ». (24) |
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Ces faubourgeois et néo-bellevillois semblent, en partie tout au moins, commettre une erreur mythologique. Erreur que ne commettait pas un vrai ouvrier de la Place de Fêtes, qui y a vécu cinquante ans et qui dans ses souvenirs dûment publiés par le journal de quartier attribue « à la guerre », donc à des causes historiques profondes, le changement de Belleville. Et non à la seule rénovation urbaine, qui dans son esprit aura été une conséquence du déclin de la convivialité populaire et de la lutte des classes, davantage que son origine. Cet ouvrier, qui s'appelait Paul Adnot, « déraciné » de sa campagne à Belleville à ses douze ans, a connu les taudis et la condition ouvrière misérable d'alors, contre laquelle luttait victorieusement la belle convivialité que l'on regrette maintenant, et dont on oublie de voir, derrière son aspect plaisant, qu'elle constituait une technique collective de survie, difficile à retrouver de nos jours malgré notre « crise » actuelle (qui ne peut, de loin, s'y comparer, sinon au plan psychologique). Puis vinrent les Trente Glorieuses des années soixante, et Adnot connut les HBM (« vous vous rendez compte, les W-C chez soi ! »), la télévision, l'électroménager : ce témoin précieux décrit spontanément le même processus de changement que Coing trouvera dans le quartier Italie, et le passage durkheimien de la « solidarité mécanique » obligatoire de la vie de quartier traditionnelle à une nouvelle solidarité, se rapprochant peut-être de cette « solidarité organique » entre segments sociaux d'affiliation libre qu'espérait Durkheim comme antidote contre l'anomie sociale. Adnot n'accède cependant pas à la conscience du degré d'aliénation qu'imposait cette convivialité villageoise traditionnelle, aussi chaleureux qu'en ait été l'aspect affectif : la vie de village est un enfer par son contrôle social (cf. Balzac, Maupassant, Zola, etc.). |
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Ce quartier de Paris constitue donc un site sociologique assez unique, où malgré la profondeur du traumatisme subi par Belleville lors de la rénovation urbaine des années 70, on peut observer aujourd'hui, comme l'écrivait Luc Nadal déjà en 1989, que « trente ans après la condamnation du quartier à la démolition, dix ans après l'achèvement des nouveaux édifices, le mythe de la Place des Fêtes est toujours bien présent. Il garde une fonction organisatrice du discours non seulement chez ceux qui ont connu le quartier avant la rénovation mais aussi (sauf pour les plus jeunes) chez ceux qui sont arrivés depuis ». (25) |
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Le numéro, déjà cité, d'Hommes et Migrations consacré à Belleville, donne l'analyse lucide du mythe actuel de ce quartier de Paris en tant que « village planétaire » (26). Mais en tant que « modèle français d'intégration pluriethnique » Belleville semble beaucoup moins un mythe car ce quartier réussit bel et bien là où les ghettos échouent. Les auteurs notent que ce succès est dû au respect général de la maxime selon laquelle « la liberté des uns s'arrête où commence celle des autres », au fait que « Belleville appartient à tous car tous lui appartiennent ». |
26 - Qui succède au mythe bellevillois précédant du « quartier le plus parisien de Paris » il y a cent ans... Cf. Periáñez, 1994, op. cit. |
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Pour notre part, nous voyons à l'ouvre un mécanisme plus secret
qui rend possible à cet endroit ce qui s'avère impossible
ailleurs : la re-identification, à travers des bribes d'histoire
mythifiée, à une légende fondatrice qui fait de Belleville un
« quartier d'opposition ». Souvent simplement d'opposition à
la tendance politique dominante du moment, mais plus subtilement de
méfiance et d'opposition instinctive aux idées et façons d'être
dominantes de l'époque, quelle qu'elle soit. C'est cela qui attire
« les exclus ». Ces exclus, d'ailleurs, s'excluent souvent
eux-mêmes de par cette sensibilité particulière — qui n'a que
peu à voir avec la « structure caractérielle » des
psychiatres, mais, en tant que création de soi, beaucoup avec la
poésie. Le « modèle bellevillois » d'intégration sociale des immigrés successifs — dont l'histoire est déjà longue — reposerait sur la facilité de transition (au sens winnicottien) offerte par l'identité rebelle bellevilloise aux immigrants. Ceux-ci, pour s'intégrer, se trouvent classiquement mis en demeure de réaliser la prouesse psychique d'accepter la renonciation à leur identité d'origine tout en la conservant pour se sentir exister, le temps de parvenir à éprouver leur nouvelle identité comme « authentique » (double lien schizophrénisant de Bateson). Notre hypothèse serait ici que l'identité « d'opposition », mais valorisée, d'un quartier permet aux immigrés la transition plus douce de leur altérité radicale vers l'altérité relative de ces nationaux en désaccord que sont des faubouriens bien identifiés, se soutenant de leur mémoire collective anti-dominante, et pour lesquels « la vie est bien plus belle quand on se rebelle » (altérité critique qui, elle, accepte chez les impétrants la survie psychique de l'identité d'origine, avec une dose plus faible de double lien pathogène que celle que coûte le choc culturel frontal). |
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Ces différences d'attitude entre néo-faubouriens et faubourgeois renvoient assez bien au modèle winnicottien du vrai et du faux self (en résumant abusivement, le faux self, à usage externe, encaisse les chocs avec la réalité sociale pour en protéger le vrai self, enfoui dans la « réalité interne »). Dans ce modèle de la psychanalyse anglaise « environnementaliste », moins son vrai self paraît socialement acceptable à quelqu'un, et plus massif sera son recours à la parade du faux self. Quand la re-identification aux rebelles mythiques réussit, le vrai self devient partiellement bellevillois, au niveau, tout au moins, du « segment ethnique de l'inconscient » tel que le définit Georges Devereux (27) : « Le segment inconscient de la personnalité ethnique désigne l'inconscient culturel et non racial. […] Il est composé de tout ce que, conformément aux exigences fondamentales de sa culture, chaque génération apprend elle-même à refouler puis, à son tour, force la génération suivante à refouler ». Quand la re-identification échoue ou n'est pas vitale, il y aura la béquille d'un faux self du genre faubourgeois. |
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Photo aérienne du site de la recherche (IGN) On reconnaît facilement à leur ombre portée la quinzaine de tours de la Place des Fêtes (où vivent 20 000 personnes, ainsi que le quartier pavillonnaire d'aire sensiblement égale qui le jouxte au Nord (3 000 habitants). La rue passante au bas de l'image est la rue de Belleville. La rue très arborée qui coupe le quartier pavillonnaire, en haut de l'image, est la rue de Mouzaïa. La Place des Fêtes se présente ici dans son ancienne configuration, d'avant sa rénovation selon le projet (modifié) de l'architecte Bernard Huet, rénovation dont le chantier dura de 1989 à 1995.
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ambiances reconnues comme étant les plus courantes dans les deux quartiers |
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quartier des tours, extrait du plan Michelin n°10 (Paris) |
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quartier des tours, extrait du plan Michelin n°10 (Paris) |
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2.2 la vie mouvementée du quartier des tours |
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Les origines de la Place des Fêtes, sur l'ancienne butte de
Beauregard, site qui, avec la butte attenante de Télégraphe domine
Paris à 129 mètres NGF, sont liées à l'acheminement vers Paris d'une
eau demandée en quantités sans cesse croissantes. Une source abondante y
jaillit au Moyen Âge, dont Charles V fait conduire les eaux en 1364 à
son palais des Tournelles (au sud de la Place de la Bastille) au moyen
de rigoles et canalisations. En 1530, l'hôtel royal des Tournelles ne
recevant pas assez d'eau de cette source de la Tillaye, François 1er
fait procéder à des fouilles pour en augmenter le débit, le terrain est
acheté par le Roi. Les sources alimenteront longtemps l'hôpital
Saint-Louis, qui racheta à son tour le terrain vers 1611. Louis XIII
fait construire à cet effet un aqueduc visitable en pierre avec des
regards, dont le Regard de la Lanterne, qui survit de nos jours et
jouxte la Place des Fêtes actuelle, vers la rue de Belleville. |
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Il n'y avait pas de monument Place des Fêtes avant la Pyramide
de B. Huet, et à part le « Regard de la Lanterne » aucun
bâtiment classé « monument historique ». Toutefois, certaines
rues existaient déjà à la fin du XVllle siècle, alors que Belleville
n'était encore qu'un calme village peuplé de jardiniers et vignerons.
Le quartier s'appelle alors la Courtille, quartier que le Mur des
Fermiers Généraux avait séparé en deux parties, la Haute Courtille et
la Basse Courtille, peuplée de Guinguettes célèbres, qui inspireront à
Ledoux quelques projets utopiques. Avant la rénovation, les rues ont de
12 à 18 mètres de large, la Place fait 140 mètres dans sa plus grande
dimension, 100 mètres dans la plus petite. Des rues plus étroites
desservent des passages et des cours comme la cité Henry, l'Impasse
Compans (où existait un jeu de boules qui était aussi un belvédère), la
cité Lumière, la cité-jardin de la rue des Bois. Les immeubles les plus
anciens sont bas, 3 étages, étroits et presque tous ont des jardins ou
petites cours. Ce sont pour la plupart des maisons individuelles ou
des petits ateliers. Les immeubles sont moins nombreux et comptent 5-6
étages. Des ateliers et petits entrepôts en assez grand nombre prouvent
l'existence d'une population artisanale nombreuse (verrerie, petite
mécanique, métallurgie de précision, métaux rares, manufacture de la
chaussure). C'est une population assez homogène, installée de longue
date dans le quartier, et habitant un tissu urbain comparable à celui
du quartier pavillonnaire actuel (qui cependant a des origines plus
volontaristes, comme on le verra plus loin). |
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Comme nous l'avons déjà vu, la rénovation urbaine allait véritablement traumatiser le quartier. Son ampleur, son déroulement et ses rouages intimes ont été très bien exposés en 1976 par I. Herpin, dans un article dont nous reproduisons ici l'essentiel (29). |
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« Cette opération est décidée et exécutée à une époque où Paris n'avait pas encore de Maire. Les décisions revenaient au Préfet.
C'est un arrêt préfectoral qui approuve la convention établie par
l'organisme rénovateur, convention qui fixait ce qu'il fallait démolir,
combien de logements allaient être construits, et le bilan, en
principe équilibré, de l'opération. L'organisme peut alors réaliser
l'opération de rénovation. Celle-ci étant de “nécessité publique“ l'organisme peut exproprier lui-même s'il est “concessionnaire de la Ville de Paris“ ; il doit demander l'accord du Conseil de Paris s'il est “mandataire“.
L'organisme rénovateur peut être public ou privé. Dans ce cas, les
participants à l'opération se constituent en Association foncière
urbaine. Ils sont d'une part les anciens propriétaires voulant être
membres de l'association, d'autre part les Sociétés Immobilières ayant
acquis les terrains expropriés de gré ou de force. L’AFU est
l'organisme responsable de l'opération, l'instance d'arbitrage. Mais le
vice de cette procédure réside dans le fait que les sociétés
immobilières se rendent vite majoritaires dans l'opération, ce qui fait
que les propriétaires n'ont plus rien à dire. C'est ainsi que les
promotions privées arrivent à des densités aberrantes, des équipements
inexistants ou irréalisables, situés souvent sur les parcelles plus
difficiles à acquérir et un programme de logements sociaux nul.
[...] L'un des responsables de la SAGI qui fait la rénovation Place des Fêtes, a dit, à juste titre : « Sans la Rénovation Publique, qui permet par des péréquations financières de faire financer des terrains sociaux par le secteur libre, la Collectivité ne pourrait construire du social que sur son patrimoine propre insuffisant qui s'épuiserait vite. La rénovation a précisément pour fondement financier cette péréquation qui permet de faire financer le secteur locatif par le secteur privé en accession, le bilan de l'opération devant, autant que possible, être neutre ». Cela est vrai. Mais la charge foncière par m² construit en HLM s'élève à 170 francs minimum, alors qu'elle atteint 1 000 francs et plus pour le secteur privé. Dans ce cas, si l'opération doit être équilibrée, et si les règles du jeu restent les mêmes (propriété du sol non municipal, économie de marché, spéculation, etc.) la part de HLM dans la rénovation même va progressivement disparaître. [...] Le but initial de l'opération était, « par le remembrement d'un parcellaire petit et “inconstructible”, le remplacement de vieux immeubles bas par des hautes constructions de prestige marquant cette hauteur qui est le “toit de Paris“ et la restructuration du secteur, notamment en voirie ». Au total, 3 100 logements devaient être construits,
dont 1 600 HLM et 309 ILN, les autres étant du standing privé et
accession à la propriété. En fin d'opération, suite à des modifications
de programme que l'on décrira plus loin, au bout de 15 années de
rénovation, 3 850 logements seront construits dont 1 423 HLM
et 303 ILN. La population du secteur passera de 10 000 à
15 000 habitants — 6 140 habitants auront été délogés
par la démolition. Avant la rénovation Les projets L'opération
Enfin, une modification importante du plan masse intervient après l'augmentation de 100 % des prix des terrains en 1966-67 :
Au total 750 logements auront été rajoutés au plan initial. Ainsi, par rapport au plan initial le standing s'est introduit dans l’opération, l'accession à la propriété a remplacé la location. Il s’agit essentiellement de terrains situés dans le noyau de l'opération. De 1968 à 1971, celui-ci est construit par la promotion liée à la banque majoritaire dans la société rénovatrice. Il n'y a pas eu ici d'appel d'offres aux promoteurs pour 2 tours IGH, surface commerciale 3 000 m², bureaux 3 000m². Qu'est devenue la population du secteur aménagé ? |
29 - Herpin, I., Perot, L., 1976, "À la recherche de la Place des Fêtes", l'Architecture d'aujourd'hui, n°176, pp.53-61.
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En ce qui concerne plus particulièrement le destin de la place elle-même, l'abandon du plan de Marc Leboucher de 1962 entraîne la suppression de la dalle-pont commerciale en bordure de l'ancien square. Les commerces seront au niveau du sol, et la circulation réorganisée par une rocade qui remplace le carrefour Compans/St. Gervais, qui dévora l'espace primitivement dévolu à une couronne de verdure. L'emprise de la dalle-pont devient la place actuelle, essentiellement un parking trois fois par semaine, pour les véhicules du marché, flanqué d'une intéressante fontaine de cascades en cercles concentriques due à la plasticienne Marta Pan (épouse d'André Wogenscky, décédée depuis lors). En 1974, peu après son élection, Giscard d'Estaing attaque la politique des grands ensembles : « On a construit ou laissé construire des ensembles d'inspiration collectiviste, monotones et démesurés, qui ont sécrété la violence et la solitude. Rétablir la communication sociale interrompue par le gigantisme et l'anonymat sera une tâche majeure de notre société ». |
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Trop avancée pour être remise en cause, l'opération Place des
Fêtes connaîtra alors une « queue d'opération » bâclée,
l'organisme rénovateur désirant en finir au plus vite avec une
entreprise devenue honteuse. Les programmes de logements sociaux et
d'équipements publics, venant en dernier, en pâtiront. |
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« Cissou la Neige était un fantôme de la place des
Fêtes. Pas même un rescapé, un fantôme. Pendant plus de trente ans, il
avait été le bougnat (bistrot-charbonnier-quincallier-serrurier) d'un
petit village rond, perché sur les toits de Paris. Puis les criminels de
paix s'étaient abattus sur la place des Fêtes. Ce qu'ils avaient fait à
ce village, des uniformes le faisaient un peu partout dans le monde.
Bombardements ou préemptions, mitrailleuses ou marteaux piqueurs, le
résultat était le même : exode, suicides. "Criminels de paix".
Cissou ne les nommait jamais autrement. Criminels de paix :
réducteurs de nids, fauteurs d'exil, pourvoyeurs du crime. Cissou, qui
ne s'associait jamais aux grands débats publics, professait
intérieurement que la seule prévention efficace contre la criminalité
des banlieues passait par l'exécution capitale d'un architecte sur
deux, de deux promoteurs sur trois, et d'autant de maires et de
conseillers généraux qu'il faudrait pour les amener à comprendre le
bien-fondé de cette politique. |
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Photo aérienne de la Place des Fêtes, vers 1980. On aperçoit, en haut, le quartier des pavillons. |
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Les vingt années qui suivirent donneront largement raison à
Giscard d'Estaing et Pennac, du moins concernant les « grands
ensembles » en général. « Les habitants du Haut ont, semble-t-il, peu d'occasions de descendre à pied la rue de Belleville, et, s'ils sortent de leur quartier, ils prennent le métro ou la voiture. En revanche, la Place des Fêtes apparaît comme un lieu fortement valorisé, et l'image qu'en renvoient ses habitants est bien différente de celle à laquelle pourrait s'attendre le promeneur égaré au milieu des tours et des barres de béton » (31) Chez ces derniers, en effet, il existe des personnes vivant à 500 m. qui font un détour pour éviter la laideur de la Place des Fêtes, alors que sa traversée écourterait leur chemin. |
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Si le Bas Belleville inquiète, son image récente étant de nouveau celle d'un quartier dangereux qui a été souvent pris comme cadre de films, ainsi que des romans policiers de Pennac (La fée carabine, etc.), la Place des Fêtes est plus sécurisante, mais avec de fortes variations individuelles. Certains s'y sentent plus en sécurité que dans la plupart des quartiers de Paris où ils se rendent habituellement (d'ailleurs en disant « je vais à Paris ») ; d'autres, plus inquiets ou vigilants, remarquent des trafics de drogue épisodiques autour des entrées du Métro, ainsi que l'apparition préoccupante depuis 1993 de SDF et mendiants devant le Monoprix. La suppression de la dalle du projet Leboucher de 1962 ayant
laissé, en guise de place, un sous-sol de dalle hâtivement rafistolé, il
n'est pas étonnant que pendant plus de vingt ans le mouvement
associatif, très puissant dans le quartier au lendemain de la
rénovation, n'ait cessé de réclamer un espace public de qualité (ainsi
qu'une maison de quartier, refusée aux associations jusqu'en 1996). |
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Le projet original de Bernard Huet pour la Place des Fêtes, 1989. En bas à gauche, les deux terrasses se terminant en gradins côté Place, refusées par les commerçants, lors de la concertation. |
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Quelqu'un sur la Place résuma un jour toute l'affaire à peu près ainsi : « Imaginez que la Place des Fêtes soit une femme du peuple, assez sympathique, et qui assure, mais affligée d'un pied-bot. Comme l'opération chirurgicale l'impressionne trop, et qu'elle est trop chère de toute manières, on lui paye une très belle robe d'un grand couturier : Huet ! ». |
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De surcroît, au moment de confectionner la robe, la
concertation échoua pour diverses raisons (corporatistes côté
commerçants, électorales côté municipal, et de notabilité de quartier
côté associations). Le projet fut sévèrement amputé, perdant les
gradins au Nord remplacés par des talus gazonnés assez semblables à
ceux de la Place Stalingrad. L'amphithéâtre fut ainsi privé d'emblée de
son élément le plus important, décisif pour modifier le caractère du
lieu. En revanche la rénovation du square fut déclarée réussie :
il fut entièrement réaménagé et agrandi, des nouveaux jeux et un
terrain de pétanque installés, et son éclairage renforcé ; mais
surtout sa redistribution rendait impossible les jeux violents des
adolescents, qui se replièrent sur la place ; le square appartient
désormais aux bébés et aux vieux, qui y font excellent ménage. |
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2.3 la vie sans histoires du quartier des pavillons |
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« Arrivée sur les lieux, je fus enthousiasmée au-delà de mes espérances : la somme d'intimités de ces petits pavillons qui se donnent au public tout en se masquant dans une végétation mousseuse le long d'allées piétonnes me conquit. Depuis, une passion me lie à ce climat assez exceptionnel et inattendu dans une capitale. » Cette phrase tirée du mémoire de Catherine Lauvergeat sur le « quartier-villas Amérique » du XIXe arrondissement (32) résume bien la sensation éprouvée par le promeneur découvrant ce coin de banlieue pourtant à dix minutes du Paris haussmannien, et si différent du quartier des Buttes Chaumont. Ce quartier pittoresque possédant sa propre originalité par rapport au reste de l'arrondissement, est situé au Sud du métro et de la Place Danube, il est connu sous le nom de « quartier Amérique ». Il se situe à la terminaison du plateau de Romainville s'abaissant par une pente rapide vers la Villette. Il est entouré au Nord par le cimetière de la Villette, à l'Ouest par les Buttes Chaumont, au Sud par la Place des Fêtes et à l'Est par les HLM du Bd Sérurier et porte sur le plan du POS la désignation de zone UL qui lui confère un statut de site protégé. |
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Illustration de Catherine Lauvergeat 1980, op. cit. |
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C'est un quartier relativement récent (bâti entre 1900 et
1933) à fonction presque exclusivement résidentielle, très fortement
influencé par son sous-sol. Avant d'offrir le charme et le calme de ses
voies privées et de ses jardins, ce n'était qu'un immense terrain
vague creusé de carrières entre Belleville et la Villette, carrières
qui imprégnèrent fortement son histoire urbaine, et dont il convient de
remarquer, au plan de l'imaginaire social, l'absence (contrairement au
reste de Belleville) de réminiscences liées à la Commune de Paris. Or,
les carrières désaffectées d'une partie de ce quartier servirent de
fosse commune après la Semaine sanglante, détail totalement refoulé par
les habitants, que seul vient rappeler une modeste plaque apposée sur
un mur... d'un HBM au Nord de la Place Danube. Cela signifie t-il que
les représentations historiques des habitants sont prédéfinies par leur
appartenance sociale, elle même liée au type d'habitat, nous n'en
avons pas confirmation dans cette étude mais cela paraît plus que
probable, du moins actuellement. Rien n'indique, en effet, que cette
mémoire n'existait pas, comme dans le reste de Belleville, avant
l'embourgeoisement des pavillons, qui à l'origine étaient des maisons
ouvrières. Les allées piétonnières qui desservent ces pavillons
s’appellent ici des « villas », et ont un statut de voirie
particulier. |
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La « villa » traversante |
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La « villa » en impasse. |
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La « villa » en boucle |
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Illustration de Catherine Lauvergeat 1980, op. cit. |
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Généralement le propriétaire des terrains conseillait aux futurs acquéreurs une entreprise ou un architecte qui bâtissait la quasi-totalité des pavillons ; souvent ce personnage rassemblait en sa personne le double rôle de vendeur et d'architecte C'est le cas du fameux P.F., animateur de la Société Parisienne des HBM et qui a ainsi réalisé les plans de très nombreux pavillons. L'uniformité régnait alors dans toute la « villa ». Dans les années 1922-26 où l'individualisme est glorifié, c'est à qui aura la maison la plus originale, chacun fait donc appel à son propre architecte ou entrepreneur et rivalise en excentricité avec son voisin. Dans cette même période, certains acheteurs opéraient uniquement dans le but précis de revendre pour faire un bénéfice, aussi regroupaient-ils en une seule parcelle l'équivalent de deux ou trois d'entre elles ; ce qui ne correspondait alors plus à aucun des trois types. Le jeu se brouillait alors et faute de pouvoir gagner en hauteur les clients s'étalaient en agrandissant ainsi la superficie de leur maison. |
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De toutes ces variations, celles opérées sur la parcelle d'angle sont les plus spectaculaires du fait de leur double appartenance « villa-rue ». Elles jouent le rôle de charnière dans l'articulation de deux systèmes, bénéficient d'une dérogation par rapport aux autres parcelles ; elles peuvent, si les propriétaires le désirent, être construites sur toute la largeur de la parcelle déduction faite de la zone non aedificandi (jardin à l'avant et courette à l'arrière). On peut voir dans cette clause une tentative de la part de la Ville d'obtenir ainsi une élévation sur rue plus homogène une sorte de ressoudage au reste des maisons mitoyennes évitant ainsi cette vue perspective sur une rangée de courettes arrière souvent disgracieuse. Nous verrons dans les parcelles d'angle, plusieurs cas de figure se présenter, nous n'en étudierons que les principaux. |
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Cas 1 : Les propriétaires bâtissent tous deux sur toute la largeur de la parcelle, les maisons s'adossent l'une à l'autre sans laisser d'espace entre elles. |
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Cas 2 : Aucun des occupants n'occupe le terrain jusqu'au bout de son lot, laissant un vide entre eux, mais ils élèvent le long de la rue un mur d'environ 2m de haut qui masque ainsi les cours arrière converties parfois en garage ; on ne distingue alors la limite des deux parcelles que par une différence de hauteur de mur et de couleur de crépi. L'un des deux seulement, construit sur la totalité de la parcelle et laisse (ou non) côté rue, un jardin devant la maison, l'autre bâtit sa cour arrière par un petit édifice. |
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Cas 3 : Enfin une troisième construction s'élève entre les deux autres sur la surface des deux courettes arrière. Une autre dérogation venue tardivement modifie l'aspect initial des parcelles d'angle. |
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Contrairement aux autres pavillons dont la fonction résidentielle est imposée, « les
lots en bordure peuvent disposer de boutique sur rue mais sans
devanture ni étalage sur la façade de la "villa" ». Certaines personnes en ont profité pour aménager un garage grâce à la dénivellation du terrain. |
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Illustration de Catherine Lauvergeat 1980, op. cit. |
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Pour les pavillons de la seconde génération, toutes les
fantaisies se manifestent — pierre de taille, meulière,
briques colorées, céramique, ciment imitant la pierre, béton. Quant aux
toits ils brillent du zinc à l'ardoise et se transforment en terrasse
(33) Tous les styles sont permis. La coquette maison normande côtoie
l'humble pavillon de banlieue, l'édifice « art déco » voisine
avec l'habitation ouvrière. |
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Le rapport « privé-public » |
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Le seuil de la « villa » |
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« Les voies privées-fermées doivent être munies d'un système de fermeture par grille (barrière ou chaîne) placé à l'alignement de la voie publique et parfaitement éclairé » (34) Lors de leur ouverture au public, ce système devint inutile et même contraignant puisque les passants eurent droit d'y circuler librement. |
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Illustration de Catherine Lauvergeat 1980, op. cit. |
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La voie privée Clôture, porte et grille Le jardin |
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Illustration de Catherine Lauvergeat 1980, op. cit. |
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Quelquefois le feuillage n'apparaît pas du tout et met ainsi en valeur la maison qui se montre sur toute sa hauteur. il arrive même que des édicules empiètent sur les dimensions pourtant minuscules de cette zone non aedificandi et laissent voir dans ce qu'il reste quelques centimètres de ciment au sol. Le perron et les trois marches |
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3 La densité |
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« Ce qui me plaît dans ce quartier c'est qu'il n'est pas fait d'un seul bloc, qu'il y a une multiplicité d'aspects dans ce quartier. Autant au niveau de l'architecture que des habitants. Je me sens à l'aise là dedans. je n'ai pas eu à souffrir de la rénovation urbaine, ni de l'augmentation de la densité après la construction des tours. Je n'ai jamais eu à souffrir de ça, la foule, non, on peut pas dire qu'il y ait la foule dans ce quartier, peut-être rue de Belleville quand les gens traversent et que vous êtes en voiture, oui, ça peut vous agacer parce que vous avez peur d'en écraser un, c'est l'habitude des gens rue de Belleville de traverser à n'importe quel moment de la rue. Mais bon, c'est pas bien grave. » (Tr5). Ces propos (tenus par un interviewé qui habite un immeuble classique à l’angle des rues Compans et Bellevue, et qui voit par conséquent tous les jours le face à face des six « paquebots » et des pavillons les plus intéressants pour nous, ceux situés en quelque sorte sur la ligne de front des deux densités urbaines) illustrent parfaitement les sentiments du groupe de vieux habitants du quartier, pour lesquels la diversité bellevilloise, finalement, s'est encore enrichie grâce à la rénovation. Loin d'être une plaie, la forte densité (dont ils ignorent le chiffre impressionnant seulement pour les urbanistes, 1000 habitants/ha), est la garantie de la survie d'une animation urbaine fortement menacée par la disparition du mode de vie populaire d'avant la quatre-chevaux Renault et la télévision, inventions bistroticides qui tendent à transformer des faubourgs vivants en quartiers dortoir. Mais la faible densité du quartier des maisons, indissolublement associée à sa verdure, constitue également une garantie de continuité de ce passé, continuité symbolique ici aussi puisque les pavillons ouvriers sont devenus bourgeois : la promenade-rêverie n'est en que davantage nostalgique. Comme on vient de le voir on peut rechercher l'ambiance genre Le temps des cerises sans pour cela tomber dans l'idolâtrie des vieilles pierres ; le même interviewé est d'ailleurs un adepte cultivé de la promenade historique, connaissant les recueils photographiques d'époque (Ronis, Doisneau, etc.) : « Je ne fuis pas la Place des Fêtes, je dirais qu'il y a la Poste, le marché, toute la Place, des commerçants de l'autre côté aussi, vers la rue de Belleville, et jusqu'à Jourdain. Plus bas, c'est le vieux Belleville dont je vous ai parlé. Plus haut, vers Télégraphe, le XXe, j'y vais très rarement, je m'y balade aussi parce qu'il y a des coins très intéressants que j'ai découvert ; j'ai visité aussi le cimetière de Belleville, tout en haut, très intéressant. Vers Ramponneau, j'y vais souvent, le nouveau parc de Belleville vers la rue Piat, jusqu'au métro Couronnes... Il y a par là tout un vieux coin de Paris, autour de la rue des Cascades, le film Casque d'Or et tout ça. Mais tout ça, c'est pas du tout pour fuir la Place des Fêtes, c'est pour avoir un autre éclairage de la vie du quartier, je me régale avec les photos du quartier faites par Willy Ronis, par exemple, et j'essaye de redécouvrir des rues qui n'existent plus. L'impasse Compans, je ne sais pas ce que c'était, j'ai dû voir ça sur les images de Ronis. Les deux sont intéressants, les deux quartiers ». (Tr5). Dans ces deux sites de Belleville, les données factuelles de nos enquêtes montrent sommairement quatre cas de figure concernant le croisement densité urbaine/densité familiale : |
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Les deux populations sont donc très largement au dessus du seuil critique de 9m²/personne de densité familiale trouvé autrefois par l'équipe de Chombart de Lauwe dans les logements ouvriers, seuil correspondant à la manifestation d'agressivité intrafamiliale. Reste que la différence, de 15m² environ, joue à l'encontre de l'image courante de la vie en pavillon, et montre bien qu'il s'agit ici d'une situation toute particulière. La sociologie des deux quartiers se différencie également sur un assez grand nombre d'autres points, comme le montre le tableau ci-dessous. |
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Le terme de densité apparaît comme néfaste pour le contenu des
entretiens s'il est prononce en début d'entretien.
« Densité » semble un terme connoté négativement (un peu
comme le terme « bruit »), et suscite des images négatives
d'entassement, de multinuisances rapprochées, d’étouffement même...
Associé à certaines des images du jeu d'images, le terme densité a
suscité chez une interviewée des images infernales vues sur un tableau
de Jérôme Bosch (surdensité infernale), et associées aux signes dans le
quartier de la crise actuelle (mendiants, SDF). Le terme est toujours
associé à l'espace public, on ne pense pas facilement à la densité du
taux d'occupation des logements ou des bureaux... |
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3.1 la densité à la Place des Fêtes
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Dans les tours les habitants sont pour une large majorité
assez envieux des habitants des immeubles classiques et surtout des
pavillons, pour plusieurs raisons. La plus banale est l'argument
économique courant selon lequel les loyers sont de l'argent « qui
part en fumée », et que la propriété de son logement équivaut à sa
gratuité ; le sous-groupe mieux informé et entretenant de vrais
contacts avec des habitants des pavillons sait à quoi s'en tenir
(réparations chroniques aux budgets léonins dans des pavillons
construits sur un terrain « en gruyère »). Assez banalement
encore, la propriété d'un tel pavillon leur paraît un symbole de
réussite admirable, et comme le corollaire de cette
« réussite » ils imaginent dans ces ruelles pavillonnaires et
leurs jardinets une vie de village à l'ancienne encore beaucoup plus
conviviale que celle qu’ils vivent dans leurs IGH. Malgré leur
expérience quotidienne, ils semblent pris dans l'image médiatique du
HLM à problèmes ; ils ne peuvent concevoir — et le fait
est que cette convivialité en IGH est exceptionnelle — que
dans les constructions classiques et les pavillons ce soit justement
leur mode de vie à eux qui soit valorisé sur ces critères de vie
villageoise à l'ancienne ! Encore moins imaginable pour eux est le
sentiment de solitude, d’insécurité, et le harcèlement par la
décrépitude technique qui sont le lot, nous l'avons vu, de certains des
pavillonnaires. Mais s'il peut y avoir de l'encombrement dans les
pavillons, il y a aussi parfois de la solitude, du vide et de l'ennui
dans le quartier des tours. |
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« ...on va plutôt vers le haut, bien sûr il y a les
tours mais il y a aussi le marché de la Place des Fêtes, et on aime bien
ça, moi je le fais, le marché. C'est les dimanches, un jour où on a du
temps, je n 'y vais pas le mardi ou le vendredi, mais le dimanche. Et
on a notre banque sur la Place ; on a un chat, ben il y a le
vétérinaire il est là ; non, la vie elle est là aussi, il y a des
foires à la brocante, donc c'est à la fois ludique et pratique ». (Pv9). |
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L'agrément du marché de la Place des Fêtes fait la quasi-unanimité dans les deux quartiers, et d'autres pavillonnaires l'expriment également, pour lesquels le marché, traditionnel et très fréquent (tous les mardi, vendredi et dimanches), constitue un rappel de la vie villageoise qui vient complémenter la vie en pavillon de façon tout à fait cohérente : « C'est calme, mais c'est pas mort dans le quartier des Villas, à 100m il y a le métro si on veut être parisiens, par exemple aller à la Samaritaine, et trois fois par semaine on a le marché là-haut, comme dans un village, bon, faut pas regarder les tours, de toute façon depuis le temps on les voit plus ». (PV2). |
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L'animation du quartier des tours vaut bien qu'on en supporte, brièvement, les encombrements ; le marché est un bain de foule choisi, et non subi, un but de sortie dominicale ludique et pratique à la fois. Mais ces pavillonnaires ne parlent pas avec l'amertume des vieux bellevillois au sujet de cette animation, qui est très inférieure à celle de l'ancien temps. Le passage d'une densité urbaine traditionnelle à celle des 1000 hab/ha qui résulta de la construction de la quinzaine de tours du nouveau quartier n'a même pas permis maintenir cette ancienne animation, qui permettait à de nombreux cafés et cinémas de quartier de rester ouverts tard le soir : (B3 — le degré de connaissance et l'implication dans la rénovation ; le bilan de cette rénovation) |
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« Autrefois il y avait des cafés, des guinguettes, il y avait des cinémas, il y avait tout, quoi ! Ou alors c'est volontaire, on veut pas que les gens puissent y sortir le soir, aient envie de descendre de leur tour pour boire un pot, bavarder autour d'une table, je sais pas. Et c'est pas le minable petit café qu'il y a là avec trois tables en plastic blanches qui accueille des femmes d'un certain âge et d'une certaine communauté qui va régler le problème... Alors Karmitz, qui est un très bon distributeur de films, va ouvrir six petites salles dans l'entrepôt près de la Rotonde de Stalingrad qu'il fait refaire pour combler le manque de cinémas de quartier, on est resté sans un seul cinéma dans tout le XIXe, mais on en avait à la Place des Fêtes, autrefois, on avait un quartier beaucoup plus vivant que maintenant ; c'est devenu un dortoir ». (Tr5). |
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« Mon mari, il a connu la Place des Fêtes d'autrefois, avec les cafés, et tous les soirs les réunions politiques, et tout ça, et c'était vraiment un truc très très particulier la Place des Fêtes, c'était caractéristique dans Paris, la Place des Fêtes il y avait la vie de la Place des Fêtes, c'était connu. Lui il a vu une quantité de westerns et de machins de série B comme ça au cinéma de la Place des Fêtes, qui marchait très bien ! Mais il a fermé déjà avant la rénovation. Ils ont fait le vide, ils ont gardé juste le square, et cet endroit complètement venté, c'est une horreur ». (Tr3). Le vent, qui a toujours été très fort à la Butte de Beauregard, semble ici invoqué dans un fantasme de désertification, d'érosion éolienne de l'espace public à la fois urbain et politique consécutif à la volonté de destruction du caractère populaire du quartier de la part d'une instance persécutrice qui reste dans l'ombre : « Ils ». Mais c'est le vent qui est intéressant par ce qu'il laisse entrevoir de la relation ville-nature dans l'esprit de cette interviewée. Connaissant fort bien le Mistral à Marseille, Mme Tr3 est sensible à l’absence de bistrots et cinémas permettant de s'y réfugier contre la nature mauvaise, ou de mauvaise humeur passagère tout au moins, tout en restant dans l’espace public. Certains des commentaires enregistrés lors de la passation du jeu d'images (cf. Annexe) vont dans le sens de l'évocation du calme de cet endroit, calme effectif sur les images montrées, mais que les interviewés avaient tout loisir de démentir si leurs images intérieures allaient à l'encontre de celle que nous leur montrions : |
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— image D8 : L'un des rares bancs à côte du Monoprix, quelques personnes qui vont et viennent. (Tr11). |
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Personne ne s'est récrié que la Place des Fêtes, ça n'était vraiment pas ça, mais au contraire un endroit très animé en permanence. Il n'est pas surprenant dès lors que le thème de l'encombrement soit absent du discours de nos interviewés quand ils parlent de la Place des Fêtes : D4 –Choisissez-vous certains créneaux horaires pour être tranquille à certains moments ? Lesquels, et où ? « Moi pas, il y a des gens, c'est conditionné par le moment où on est obligé de faire des courses, par exemple, et se dire que si on va au Monoprix le samedi à 16 heures, il y aura du monde. Les trottoirs, dans certains quartiers de Paris c'est infernal, mais c'est pas le cas chez nous, alors là je vais vous raconter quelque chose, j'ai une connaissance qui a fait un petit journal et qui a questionné les uns et les autres et une des réponses que je lui ai fait c'est que moi un de mes plaisirs c'est de me promener dans les rues de Belleville, donc pour moi il n'y a aucun problème d'encombrement.. Même s'il y a des femmes âgées qui ont du mal à avancer avec leur sac et leur cabas ou caddie, ça ne me met pas en colère. Si je ne peux pas passer parce qu'il y a un landau, un caddie, un chien et deux vieux, moi ça me laisse froid, il y a des choses plus importantes que ça... » (Tr5). |
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Cet interviewé est parmi les rares à être sensible au thème des encombrements de circulation sur les trottoirs du quartier des tours, bien qu'il se défende d'en pâtir lui-même... L'observation banale montre vite que ce thème est pourtant très présent ; les incidents dus à l'énervement, des remarques un peu vives, parfois des altercations ne sont pas rares aux heures de pointe, quand de trop nombreux piétons se disputent des trottoirs de rues anciennes dont la largeur n'a pas suivi la construction des tours dix fois plus peuplées que les anciens immeubles qu'elles desservaient à l'origine. De surcroît, des panneaux de signalisation, du mobilier urbain en tout genre réduisent encore leur largeur qui par endroits n'excède pas le mètre. Les landaus et caddies slalomant entre les crottes de chiens transforment le cheminement du piéton du quartier des tours en quelque chose qui tient d'une nouvelle discipline sportive. C'est ici que la convivialité montre un aspect pervers inattendu : alors qu'une telle voirie n'est à peine utilisable que si chacun fait attention aux autres, un peu comme sur une autoroute, il est dans les habitudes du quartier de s'arrêter pour faire un brin de causette avec les amis ou connaissances de rencontre ! Ce qui est bien agréable en toute autre circonstance se transforme, pour les piétons pressés et qui n'ont fait, eux, aucune rencontre valant la peine de s'arrêter, en provocation. On s'attendrait à ce que deux ou davantage de piétons qui, se croisant dans de telles rues, éprouvent le besoin d'entamer une conversation, le fassent à l'écart, un peu plus loin, par exemple sur la place, où ils ne dérangeraient personne. Il faut bien constater cependant qu'une telle conduite ne vient à l'idée de personne. Au contraire, tout se passe comme si la rencontre inopinée valait droit de blocage des parcours des autres usagers, de préférence sur le seuil des magasins ou des immeubles. La tchatche a tous les droits, et ce trait culturel manifestement arabe ou séfarade a été repris avec joie par à peu près tout le monde dans le quartier, avec seulement des nuances dans la durée estimée légitime du conciliabule. C'est donc avec une belle indignation que des groupes de tchatcheurs, qui d’ailleurs sont le plus souvent des tchatcheuses, rétorquent aux rares remarques acerbes des gens qui ne peuvent plus entrer ou sortir de chez eux, de la Poste ou des magasins. Une autre comportement facile à observer est celui des petits groupes ou familles déambulant ensemble, de front, à trois personnes ou plus. Il est tacitement admis que le piéton qui vient en sens contraire, devant cette touchante flânerie, doit céder le plein passage au convoi adverse, moyennant quelques contorsions le long du mur. Pour bien faire, dans un quartier à 1000 hab/ha où les gens sont si méditerranéennement conviviaux, il faudrait des trottoirs de 2 X 3 personnes de largeur, soit environ 420 cm. Or, ils en ont 100 ou 120. Au vu de cette réalité, les propos précédents de M. Tr5 nous semblent sans doute dictés par le souci de ne surtout pas paraître grincheux, et montrent par ailleurs la distinction qu'il faut faire entre un piéton (contraint de circuler) et un promeneur (flânant sans autre but que son aventure intérieure). Son plaisir de promeneur dans Belleville l'empêche de voir le caractère infernal de certains de ces trottoirs, qu'il perçoit très bien ailleurs. Mais son évocation précise des encombrements sur les trottoirs du quartier montre bien la conscience aigue qu'il en a. Ce qui joue le vécu de la densité dans ce quartier, c'est bien sûr la taille importante et l'implantation centrale de la Place : |
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D10 — Que pensez-vous de la densité, du nombre de gens dans ce quartier ? Et dans le quartier d'à côté ? |
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Excellente analyse de la situation, à laquelle nous pouvons rajouter notre constat ci-dessus, pour en conclure que si la Place fonctionne bien comme un vase d'expansion par rapport à la forte densité, il s'agit plus d'une potentialité d'expansion (on pourrait à tout moment s'y rendre, et ainsi échapper aux encombrements) que d'une pratique de cheminements réels. Les encombrements se produisent en effet aux franges de la Place, et surtout dans les voies du tissu urbain ancien adjacent à la rénovation, et non dans les passages créés en même temps qu'elle, indépendamment du « lifting » récent par Bernard Huet. Du même interviewé, une réponse à l'image 818 nous a semblé mériter l'attention (l'image 818 montre une vue aérienne de Sarcelles) : — image 818 : « Image concentrationnaire, qui fait penser à un labyrinthe, et à des dominos. Pas de traces d'êtres humains, seulement des voitures. Beaucoup de monde » (Tr11). Si nous le comprenons bien, dans l'esprit de Tr11, « beaucoup de monde » peut parfaitement aller de pair avec « pas de traces d'êtres humains, seulement des voitures ». La voiture aurait donc pour lui le don de transformer les humains en foule anonyme, encasernée dans des grands ensembles, et faisant quotidiennement la navette vers la vraie ville pour y gagner sa vie. Une idée qui nous semble proche du comportement de nos piétons tchatcheurs, qui se ré-humanisent lors de leurs rencontres sur des trajets purement instrumentaux au départ en donnant la priorité au temps inter-individuel sur le temps social-productif... Ce ne serait alors pas la densité (« concentrationnaire ») en elle même qui serait mauvaise, mais sa connotation conjoncturelle : celle des voitures est inhumaine, mais la concentration de ceux qui parviennent à rester humains suscite la vivacité urbaine recherchée des quartiers traditionnels. Concentration positive jamais formulée ainsi pour éviter la proximité évidente du terme avec les camps de concentration, voire les camps de la mort, comme le démontrera un peu plus loin dans le jeu d'images l'impossibilité de se représenter le grouillement de corps de l'image 912 autrement que comme une scène dantesque de la Shoa (en réalité, une cérémonie religieuse japonaise plutôt bon enfant !). |
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Ce genre d'attitudes posent bien entendu le problème des équations personnelles différentes face aux effets de densité. Les différences personnelles se laissent aisément illustrer à l'aide de quelques cas, par exemple en opposant ce que dit Mme F14, qui s'est exprimée très finement, aux propos déjà cités de Pv9, Pv2, Tr5, Tr11 : D2 — Aimez-vous foule, la multitude ? Dans quelles circonstances ? |
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Voilà une dimension inattendue du métro, comme sauveteur in extremis d'une sortie intimiste sur les quais, ratée à cause la foule sportive et nationale. Le repli vers une salle obscure (foule compacte, mais immobile et dissoute, en quelque sorte, par sa polarisation hypnotique sur ce qui se passe à l'écran) constitue à nouveau un destin choisi, el non subi, dimension essentielle qui contribue à différencier toutes les situations de densité en agréables ou désagréables. La plus désagréable étant, chez elle également, l'embouteillage automobile : D3 — Qu'est ce qui est pire, le métro aux heures de pointe ou les embouteillages en voiture ? |
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On peut avancer, d'après l'ensemble du matériel qu'elle nous a livré, que Mme Tr14 possède une vie intérieure très riche, richesse intérieure qui ne s'accommode de la concurrence du monde extérieur que parcimonieusement : elle choisit soigneusement son environnement du moment en tenant compte aussi méticuleusement de l'état de fréquentation des espaces urbains que les navigateurs plaisanciers tiennent compte de la météo avant toute sortie. Par ailleurs, elle introduit l'idée importante de la durée d'exposition aux désagréments comme élément crucial de stratégie de consommation de l'espace urbain. Pour sa part, Tr5 est davantage sensible à la proximité physique dans le métro bondé, promiscuité inévitable décrite par Hall (La dimension cachée) qui, pour le vieux parisien qu'est Tr5, reste parfaitement acceptable pendant une vingtaine de minutes, si toutefois elle ne va pas jusqu'à la compression : |
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D3 — Qu'est ce qui est pire, le métro aux heures de pointe ou les embouteillages en voiture ? |
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Les deux, aussi bien Tr14 que Tr5, modulent consciemment la densité à laquelle ils consentent à s'exposer, mais pas tout à fait selon les mêmes modalités : D1 — Et la solitude, parvient-on à la trouver, ici ? D1 — Et la solitude, parvient-on à la trouver, ici ? L'une utilise la densité pour ne plus être seule (retrouver les autres), l'autre pour se retrouver lui-même seul en se baladant. Mais la solitude est préférable à l'encombrement chez Tr14. |
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D6 — Dehors, êtes-vous moins gêné par l'encombrement ou par la solitude ? Tandis que Tr5 ne parvient pas à formuler une réponse devant un tel choix : D6 — Dehors, êtes-vous moins gêné par l'encombrement ou par la solitude ? |
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Donc Tr5, interviewé à la lucidité exemplaire, ne répond qu'aux questions sur lesquelles il estime avoir une opinion fondée sur une réflexion personnelle. Ce qui nous fait passer de la densité urbaine à sa densité intérieure, encombré par notre question D6 qu'il n'attendait pas, et, sans doute par ce que cette question fait résonner chez lui d'arbitrage impossible entre le Soi et l'Autre (avec lequel est-on en meilleure compagnie ? lequel encombre le plus ?). Tr5 nous rejette de son monde, avec nos histoires compliquées. La différence entre ces deux personnes se voit également dans l'évocation d'une situation particulière de densité, celle qui fait augmenter la densité familiale jusqu'à des limites, variables pour chacun, lors d'invitations et réceptions où l'habitation familiale se voit plus ou moins envahie de gens, en principe amicaux : |
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D8 — Entre amis, ou gens de bonne compagnie, vous supportez d'être à combien ? (dans un séjour moyen 30m²) D8 — Entre amis, ou gens de bonne compagnie, vous supportez d'être à combien ? (dans un séjour moyen 30m²)
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On retrouve, pour TR14, le même problème que lors de l'arrivée du Tour de France, celui d'être bloquée, sans choix personnel possible des objets composant l'environnement. Or, pour papillonner, il vaut mieux rester debout... Nous ignorons, par ailleurs, à quelle conflictualité familiale elle fait allusion, mais il est clair à l'entendre que la notion de densité doit être affectée d'un coefficient exprimant la sympathie, l'indifférence, l'antipathie ou un mixte ambivalent et variable des trois envers les gens présents, pour avoir le moindre début de sens : « Si c'est moi qui reçois » exprime bien la dimension très différente entre subir ou choisir. Pour Tr5, en revanche, si on invite, il faut
être assis. Donc, sans papillonnage, le rôle social de chacun est
assigné de par sa place, et on reste peu nombreux, donc entre gens
choisis. La densité semble d'autant plus supportable qu'il s'agit de
celle de gens que l'on connaît. Mais on ne choisit pas sa
famille ! — image 801 : Versailles, par un dimanche ; c'est assez insupportable c'est pas une image de bonheur, la foule, la chaleur, l'été... (Tr14). — image 801 : la présence de palmiers me fait penser au Midi ; aux Tuileries aussi, le bassin des Tuileries (Tr5). Un bénéfice inattendu de la forte densité, sur lequel les interviewés sont pratiquement tous d'accord, c'est la moindre insécurité : D7 — L'insécurité est un sentiment lié plutôt à la foule, ou aux espaces plutôt déserts ? D7 — L'insécurité est un sentiment lié plutôt à la foule, ou aux espaces plutôt déserts ? D'autres interviewés ne se situent pas au niveau du sentiment, mais à celui de l'insécurité réelle, qu'ils minimisent : |
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C'est sûr que, quand je dis que j'habite à la Place des Fêtes, on me dit ah la Place des Fêtes, c'était tellement joli avant avec les maisons, les petits jardins, etc., et les gens ont l'idée qu'on n'est pas en sécurité ici, le métro a une très mauvaise réputation, les dealers, etc. Moi je n'ai jamais eu de problème ici, si, un jour on m'a piqué mon porte-monnaie au marché, mais sinon jamais. je n'ai jamais eu peur de promener ma chienne à dix heures du soir, ou de rentrer fard,chez moi... Et puis il y a eu des films où on montrait la Place des Fêtes comme un quartier à problèmes, et un jour on a retrouvé une seringue dans le square, alors comme en plus maintenant il y a des punks en bas, l'image de la place c'est devenu ça, mais moi je ne m'y sens jamais en danger. Ils n'ont pas l'air bien méchants, d'ailleurs. (Tr1) |
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Le contrôle social d'un quartier bordé de centaines de fenêtres est donc plutôt bon, meilleur dans tous les cas que celui du quartier pavillonnaire (cf. plus loin). Certains poussent le mythe bellevillois jusqu'à la nostalgie de la dangerosité du temps des Apaches, et semblent en cela confirmer les propos ironiques de Schifres, cité plus haut, au sujet des faubourgeois. (35) Il reste plus grand-chose, ça m'intéresse vachement, l'histoire du quartier, c'était une ville, Belleville, C'était un quartier complètement révolutionnaire, et c'était la campagne aussi, il y avait de la vigne, il y avait des moulins, les villas étaient des repaires des Apaches qui s'y cachaient, c’était génial ! Et quand on pense qu'il y a tellement de gens jeunes et sympathiques ici, et anciens soixante-huitards, c'est dommage qu'il y ait une telle inactivité due à la rénovation. (Tr3) |
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La sécurité relative se mesure cependant par rapport à la situation sécuritaire du Bas-Belleville, celui des romans de Pennac : Le côté vie ancienne de Paris, quoi. Rue de Belleville, ça existe encore, mais plus tellement Place des Fêtes... J'aime pas le bas de la rue de Belleville, hein, pour moi Belleville s'arrête rue des Pyrénées. Après c'est vraiment trop la zone. Vers le haut, la porte des Lilas, je la trouve affreuse, mais entre la Place des Fêtes et le métro Pyrénées j'y vais de temps en temps, il y a des boutiques, même s'il n'y a rien d'intéressant, ça fait de l'animation, et puis pour amener le chien. (Tr3) Le sentiment d'insécurité manifeste par Tr14 le soir tard est cependant inexistant dans la journée, compris vers le XXe arrondissement : À pied, j'aime beaucoup faire les courses vers la rue de Belleville, vers Jourdain, chez Nicolas, à la pharmacie, il y a à cet endroit des commerçants que j'aime bien. Et rue du Jourdain maintenant pour la librairie, dans le XXe ; XIXe ou XXe c'est pas une coupure pour moi, c'est Belleville des deux côtés, je me sens plus proche du XXe, je connais bien le XXe, j'ai des amis chez lesquels je vais à pied. J'aimais bien aussi le square de la Butte-Rouge, quand Irène était petite. (Tr14). |
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Par rapport à la vie d'avant la rénovation, le plus grand facteur d'insécurité est constitué par l'automobile, dont la densité du trafic a augmenté comme dans le reste de Paris, mais ici avec le résultat sensible d'avoir mis un terme à la longue survie locale du mode vie populaire lié à la rue, appropriée davantage par les piétons. Notamment la voiture a mis fin aux jeux des enfants dans la rue, encore possibles jusqu'aux années 70 dans les ruelles les plus calmes : On était davantage dans la rue, il y avait davantage de bancs aussi, c’était une époque plus à la Doisneau finalement... Tous les gamins jouaient dans la rue, et il n'y avait aucun problème, là avec la circulation actuelle on pourrait pas. Pourtant c'était la rue des Pyrénées, qui est quand même assez grande... il y avait encore des chanteurs des cours qui passaient et alors on leur envoyait des sous, il y a des tas de choses comme ça qui ont disparu... (Tr6) |
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Si la convivialité, réelle et surprenante dans des tours, est le plus souvent référée au mythe bellevillois, parfois elle est pensée comme un effet de la densité ; dans des constructions pareilles, il faut communiquer : Les relations de voisinage, les voisins ils sont très bons, il y a un effort, les gens font peut-être plus attention à se parler, à communiquer, c'est vrai que l'immeuble est assez convivial, les gardiens sont vachement importants aussi... Les gens font très attention à ça parce qu'ils sont dans une tour et qu'ils évitent le côté froid et impersonnel d'une tour. L'ascenseur prend une minute, on arrive à la longue à connaître un petit peu les gens. On essaye de faire un effort vers les autres. L'important ce sont les bons rapports les uns avec les autres... Un environnement agréable... L'urbain passe au second plan, parce qu'on n'y peut rien, on est obligé de faire avec ce qu'on nous donne. IL vaut mieux essayer de composer avec ce qu'on nous offre, avec ce qu'on a. (Tr3) La Place des Fêtes, j'y promène mon chien, j'y rencontre des amies, je m'y arrête deux minutes pour discuter avec l'une ou avec l’autre, c'est rare qu'on traverse la place sans rencontrer quelqu'un. C'est pas sûr qu'il y ait beaucoup de places dans Paris comme ça. (Tr1) |
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Cette convivialité, exactement celle que Le Corbusier attendait du « village vertical », semble d'ailleurs contagieuse, et suscitait des déménagements : C'est un hasard ; j'avais des amis dans les cinq immeubles derrière la Place des Fêtes ; en leur rendant visite j'ai vu un panneau « à louer » sur la façade de la tour, et j'ai loué. Avant, j'étais à Bondy, dans un immeuble ancien de sept étages ; je préfère ici parce c'est Paris, et c'est plus pratique, les activités sont plus faciles... (Tr4) C'est la convivialité de la vie dans les immeubles qui finit par faire la décision chez ceux qui sont arrivés avec une assez forte appréhension : Si je me déracinais encore, il faudrait encore se refaire des liens dans un autre quartier. Finalement on a trouvé que les appartements n'étaient pas si désagréables que ça, qu'ils étaient lumineux, qu'ils ont une belle vue, donc je suis resté là. Mais au début, quand je suis arrivée ici, je faisais quand même un peu la gueule, hein... Parce que j'étais pas habituée à ce genre d'immeuble immense, j'avais toujours habité dans des petits immeubles plutôt anciens... (Tr1) Il faut bien sûr rapprocher ces déclarations des interviewés de nos tours IGH de Belleville de celles, rapportées par Annie Moch et son équipe, concernant le quartier Italie (36), négatives pour la plupart. Dans cet article, les auteurs citent une locataire dans une grande tour, qui se plaint de la promiscuité des logements, et dit : « Si tous les gens étaient du même milieu, avaient la même éducation, le même sens de la responsabilité, le souci de préserver l'environnement de leurs voisins, ce serait tout à fait habitable. » Les habitants des tours que nous avons vu expriment bien quelque chose d'approchant, pour en constater la réalité, les tours sont tout à fait habitables. Mais elles le sont malgré des différences considérables de milieu social, de culture d'origine, d'éducation et de souci envers l'environnement. Il existe par contre un souci de convivialité réel, néo-bellevillois comme nous l'avons appelé, qui permet localement de dépasser toutes ces inégalités. Nous sommes bien conscient, ceci dit, qu'il s'agit ici d'un site très particulier aux plans sociohistorique et de l'imaginaire social... Certains habitants du quartier de la Place des Fêtes, très rarement, semblent parfois sur le point de s'exprimer comme ceux décrits par Mme. Moch : Ici, à la fois je me sens bien et pas bien, il y a un problème de la cité en général, et puis l'appartement lui-même, cet endroit-là c'est bien, je m'y sens bien... En même temps j'ai conscience de toute cette énorme population qui m'environne et qui est parfois pesante, difficile... Aussi bien Paris que le quartier, un petit peu l'ensemble... Le monde, le bruit... Le quartier, il est insipide, il n'y a rien dans le quartier, il n'y a pas de cinéma, pas un libraire intéressant, pas un disquaire, bon c'est pas un quartier-dortoir parce qu'heureusement il y a quand même le marché et de la vie dans la journée, on a pas mal de femmes au foyer qui animent dans la journée, mais pour faire la moindre activité il faut aller à l'intérieur de Paris, quoi. (Tr3) Ici, c'est moche ! Les tours sont moches, alors que des tours ne sont pas nécessairement moches, il y a des très belles tours, je pense à certaines tours à New York ou à Chicago, même à la Défense il y en a qui ne sont pas mal, mais ici les tours sont moches, donc on habite dans un truc qui est moche. Cela étant, à l'intérieur c'est très fonctionnel, très habitable, c'est pour ça aussi qu'on a choisi d'habiter là. On avait une amie qui était intégrée dans la tour... (Tr2) |
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Cet aspect fonctionnel, pratique, fait intervenir le taux d'équipement du quartier, sans prendre conscience du fait qu'il découle du grand nombre d'habitants, donc de la densité : Je suis arrivée en 1979. Endroit parfaitement équipé (commerces, poste, banque, métro...). Mes enfants étaient petits, les Buttes-Chaumont n'étaient pas loin, il y avait de l'espace sur la place pour les laisser courir, les écoles à côte, c'était relativement pratique. Le quartier ne me plaisait pas, mais il était pratique, et le loyer était très raisonnable. Sinon, c'était pas mon rêve d'habiter dans une tour. (Tr8) Je le trouve bien au point de vue géographie, parce qu'on est hors des grands axes et embouteillages, et près du périf. Et le métro direct pour le Châtelet... Très pratique comme habitat, et puis la rue de Belleville a beaucoup de petits magasins, quand même moins ennuyeux que le Monoprix d'en bas. Le ravitaillement en produits frais, ça c'est important. Et puis les écoles, la crèche, c'est bien organisé. (Tr4) Cette dernière personne, un artiste graphique qui fuit la ville dans sa maison de campagne dès qu'il le peut, est en fait un habitant bilocal, qui a tranché le problème de la mise en vente des appartements (et de la mise à la porte de tous les locataires en fin de bail) en décidant de s'y installer pour de bon. Nous laisserons, concernant le caractère urbain du quartier, le mot de la fin à deux interviewés : Ça a gardé quand même un côté populaire du XIXe qui était comme ça ; dans les autres quartiers de Paris où j'ai habité, le XXe, on se croisait avec les voisins de palier sans se saluer, alors que là il y a quand même un climat sympathique, les gens se rencontrent, se saluent... Si, il y avait la rue du Commerce qui était sympa, comme la rue de Belleville. (Tr1). Le quartier me plaît parce qu'il est simple, la simplicité des gens, le côté populaire, des fois ça m'énerve, mais c'est vrai que c'est sans prétention, c'est des rapports simples et naturels. Il n'y a pas de vrais problèmes de race ou de choses comme ça, je pense. Les gens se connaissent depuis qu'ils sont petits, ça c'est un côté sympa qu'on ne trouve pas dans d'autres quartiers de Paris. C'est assez jeune aussi... (Tr3). |
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3.2 la densité dans le quartier des pavillons |
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À l'arrivée du beau temps, les pavillonnaires sortent déjeuner dans les jardinets, où du coup règne une forte densité de convives, les tablées n'étant séparées que par cinq ou six mètres, sans communication visuelle. Les identités familiales sont alors en concurrence festive érotisée au plan des odeurs, des bruits, des musiques et des rires. L'ensemble est parfois qualifié de « sacre du printemps », l'idée en somme d'une identité collective affirmée une ou deux fois l'an tout aussi bien que celle des « collectivistes » de la Place des Fêtes avec leurs brocantes, leur marché et leurs réunions associatives, politiques et religieuses. Le reste de l'année, il est plus difficilement toleré qu’une famille fasse la fête toute seule dans son jardin, que lors de ce « sacre » annuel ; de tels désordres sont mal reçus. Ces fêtes pavillonnaires spontanées restent discrètes, informelles, et semblent réglées par un consensus de bon voisinage qui prescrit les heures et dates où les nuisances sont tolérées. Il règne une certaine solidarité entre les pavillonnaires pour se défendre contre les étrangers au quartier, en passe de devenir une attraction touristique. Un plan distribué par la Mairie d'arrondissement à l'intention des promeneurs amateurs de verdure fait passer un des itinéraires par les « villas » — ruelles — entre la rue de Mouzaïa et la rue de Bellevue, au dam des riverains « il y a des dimanches où on se demande s'ils ne finiront pas par nous jeter des cacahuètes » nous a dit l'un d'entre eux. La défense, pour l'instant fort civile, de ce territoire n'en exige pas moins une vigilance soutenue qui rend l'ambiance du quartier beaucoup plus pesante qu'on ne l'imagine dans les tours. Comme nous en avons fait l'expérience, seules les recommandations personnelles y favorisent les contacts, les habitants y étant sur la défensive. Ce n'est pas la moindre surprise de cette recherche que de retrouver des discours finalement comparables sur cette fantasmatique de l'encombrement dans nos deux quartiers du XIXe. Comment, dans le cas des pavillons si calmes en apparence, si provincialement conviviaux, s'exprime la crainte de l'encombrement et de l'affrontement ? Paradoxalement, ce sont les gens qui se sont plus habitués à la faible densité de ce quartier qui sont le plus regardants sur la moindre intrusion dans leur petit paradis, et cela semble bien provoquer davantage de conflits que dans le quartier des tours. Il y a donc très vite « encombrement », ce qui, nous l'avons vu, n'est que rarement le cas à la Place des Fêtes. Les voisins pavillonnaires sont plus souvent de vieux amis que les habitants des tours. Mais il y a aussi des conflits et des affrontements, voire des procès en dommages et intérêts, liés à des incompatibilités esthétiques entre les travaux entrepris par les uns et les autres, les dégâts provoqués par l'affaissement du sous-sol et attribués à certains de ces travaux, etc. et finalement une atmosphère de suspicion et de surveillance parfois mesquine entre nombre de ces habitants. Ces habitants sont certes dix fois moins nombreux qu'à la Place des Fêtes, mais ces interactions inamicales produisent un discours qui étonne dans ce quartier réputé bucolique. Quartier sans histoires, disions-nous : certes, au plan urbanistique, mais quartier à chicanes de voisinage. Ce n'est certes pas là la tendance dominante, mais ce type d'interaction nous semble de nature à éclairer notre propos lorsque nous abandonnons la notion de densité urbaine conçue comme un indice abstrait.
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L'encombrement dans le quartier pavillonnaire est d'abord un encombrement automobile, pour circuler et pour se garer. Non seulement les embouteillages « de tout le monde », comme dit Pv9, mais surtout ceux dus à l'enclavement du quartier par rapport à Paris ou à la périphérie. Matin et soir les accès au quartier sont bondés, ce qui fait supposer que ces pavillonnaires ne prennent que rarement le métro. Ce dernier en effet est représenté localement par la ligne la plus bizarre de toute la RATP, à l'exception peut-être du funiculaire de Montmartre. De plus, ces anciens pavillons ouvriers ne possèdent que très rarement un garage, ce qui crée les conditions d'une véritable guerre des nerfs pour les places le long des trottoirs : |
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Mon voisin et moi, nos femmes dans la journée si on a une, on se gardienne chacun la place juste devant la Villa, rue de Mouzaïa... On garde nos vieilles voitures pour occuper les places, et quand on revient le soir, on les permute et on part garer la chiotte beaucoup plus loin, parfois vers l'hôpital Robert Debré. Le problème, c'est le jour où elles démarrent plus. (Pv3). D6 — Dehors, êtes-vous moins gêné par l'encombrement ou par la solitude ? D7 — L'insécurité est un sentiment lié plutôt à la foule, ou aux espaces plutôt déserts ? Cette préoccupation de parvenir à garer son automobile se reflète assez dans la passation du jeu d'images, où le thème revient plusieurs fois (il n'apparaît pas dans les interviews du quartier des tours) : — image 803 : Des immeubles de petite taille, un quartier en retrait, dans une banlieue... petits trottoirs, difficulté à se garer donc on se gare à cheval sur les trottoirs (Pv2). — image 806 : Près d'un bois, en France, peut-être en région parisienne, de arbres en bordure, interdiction de se garer, des arbres à égale distance (Pv8). — image 808 : Des vieilles maisons, dans une banlieue, ça existe encore des baraquements comme ça, clôture en bois, pas de voitures, il y a l'aspect tranquille mais il y a l'aspect abandonné aussi. (PV2). |
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Pas de voitures, c'est le rêve, mais il ne concerne que les quartiers de grande pauvreté ! B1 — les usages réels des espaces
des deux quartiers ; les trajets et parcours ; les endroits
préférés ; ceux qu'ils évitent ; les endroits
indifférents ; |
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La tristesse des blocs, les six barres situées entre les deux quartiers, est également évoquée par des habitants du haut, qui essayent de les éviter tout autant : B1 — les usages réels des espaces
des deux quartiers ; les trajets et parcours ; les endroits
préférés ; ceux qu'ils évitent ; les endroits
indifférents ; Il est curieux que ces pavillonnaires, dans leurs interviews, s'expriment aussi peu sur le calme du quartier. Cela va sans doute trop de soi. Ils plaignent par contre les habitants du haut, surtout pendant les années de travaux et de bruits du chantier (marteaux piqueurs...) qu'ils ont eu à subir lors de la construction de la nouvelle Place : Là haut, ils sont peut-être mieux reliés et mieux équipés que nous, mais faut savoir ce qu'on veut, si on a la tranquillité on n'a pas l'agitation ! Et puis les travaux ! Une horreur, dès sept heures du matin, heure légale, les bulldozers, les grues, les marteaux piqueurs. Et finalement, leur place, elle est à peu près comme avant, le truc au milieu, avant il était gazonné, maintenant c'est un catafalque... (Pv4). Tout se passe comme si ce quartier était tellement calme que ce qui vient à l'esprit, pour en parler, c'est d'abord ce qui perturbe ledit calme : Vous savez, il n'y a pas de bruit ici, il y a un bruit de fond, c'est celui du périphérique qui monte, qui rebondit sur les pignons des immeubles, ça fait un brouhaha. Et puis on a la terrasse juste devant chez nous rue Bellevue, où les jeunes s'installent le soir, juste pour bavarder, mais ne serait-ce que bavarder, dans cet univers là, la voix porte bien et notre chambre donne juste là ! Alors des fois on leur dit. Il faut leur dire gentiment, et ça se passe bien, ils comprennent et puis ils baissent la voix... Oh, deux ou trois fois je vous dis pas qu'il n'y a pas eu des problèmes, hein. Visiblement cette terrasse est recouverte de gravillons, et des fois ils se mettent à lancer des cailloux, là c'est autre chose, ça. Je sais qu'il y a un certain nombre de maisons le long, là, entre les maisons adossées vous avez un petit passage où ça n'est qu'une succession en fait de petites loggias privatives, donc il y a que des verrières, et certains jeunes trouvent très drôle de lancer des cailloux et ça rebondit dans les verrières, là ça fait un peu crier les gens, c'est pas drôle. C'est assez rare. (Pv9). |
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D1 — Et la solitude, parvient-on à la trouver, ici ? Le thème de la convivialité est absent des interviews du quartier des pavillons ; or, ces pavillonnaires se connaissent tous, et on peut supposer que ce qui paraît si unique aux gens d'en haut, c'est de se parler, de communiquer entre inconnus, chose qui ne se fait pas dans les pavillons. Les nouveaux, comme le ménage Pv9, ne sont acceptés qu'après un délai probatoire ; l'accès aux cercles plus importants de pavillonnaires se fait par une cooptation plus ou moins institutionnalisée. Q20 — Connaissez-vous vos voisins ? |
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Si les pavillonnaires plaignent les avatars urbanistiques auxquels sont régulièrement soumis les habitants du quartier des tours, et qu'ils connaissent dans le détail, certains parmi ces derniers sont tout autant informés des problèmes des pavillons, notamment au plan financier : Q7- Êtes-vous satisfait de votre quartier ? Mais les pavillonnaires formulent également quelques récriminations à l'encontre des habitants des tours, même s'ils reconnaissent avoir avec ce quartier quelques échanges insoupçonnés (de garages). La symbiose a donc des limites : On a mis un an et demi, deux ans à trouver. C'est pas le quartier qui a été déterminant pour nous, c'est l'indépendance, pas de copropriété. En copropriété, si vous êtes minoritaire, vous subissez ce que veut la majorité. On a pris des mauvaises habitudes du côte de Senlis... On était dans un lotissement avec des maisons par deux, là on louait. On avait un garage, qui nous manque ici, mais on va en louer un dans les blocs, il y a des échanges insoupçonnés entre les deux quartiers... À part les bagnoles, on se plaint seulement de quelques nuisances, les crottes de chien surtout ! Il y en a partout ! Les gens viennent promener leur chien dans notre quartier, les gens des tours ont énormément de chiens et nous laissent leurs crottes. Je trouve ça un peu saccager les lieux, quoi, c'est vraiment pas agréable. Il y a deux choses, de la malveillance des gens dans la rue, ou les gamins qui lancent des cailloux, des vieilles bougies, dans notre jardin. (Pv9). |
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4 La nature |
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4.1 la nature à la Place des Fêtes |
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Dans les tours, il existe une relation un peu insolite à la nature. Tout d’abord celle qui passe par les nuages et les différentes luminosités du ciel parisien selon les saisons et les heures, une nature météorologique qui n'est pas celle des espaces verts. Raison sans doute pour laquelle dans les étages élevés des tours de la Place des Fêtes le spectacle changeant du ciel, pourtant très prisé, n'est pas compris dans le signifiant « Nature ». Ces éléments non végétaux de l'environnement naturel ne reçoivent pas de nom, mais ils font l'objet d'un discours positif par longues périphrases. Une exception est la mauvaise nature : les tornades et tempêtes sont, elles, reconnues comme faisant partie de la Nature. Le panorama du haut des tours, ensuite, installe une relation ignorée des pavillonnaires, celle du spectacle du conflit Ville / Nature. En effet, la vue depuis les étages dégagés des IGH permet de voir la « vraie » nature au loin, au delà des limites de l'agglomération, mais cela uniquement quand la pollution de l'air le permet. Autrement dit, au plan symbolique, quand les dysfonctionnements de la vie urbaine ne sont pas trop graves, le contact visuel avec la « vraie » nature est rétabli. Les jardinets des pavillonnaires ne sont du coup pas pris au sérieux (mais enviables par le marquage de territoire qu'ils constituent). En dehors de cette relation sui generis, la Nature est consciemment entendue comme la végétation dans la ville, et associée à la densité : sa présence est tenue pour un signe de moindre densité, elle même conçue comme positive. Mais il faut dire que ce qui est associé à la densité n'est pas le quartier des tours lui-même, mais la capitale dans son ensemble, qui vue du haut des tours fait plaindre les parisiens pris dans l'agitation d'en bas ! La nature animale existe davantage que la verdure, sous la forme d'une quantité apparemment impressionnante de chiens, ceux dont se plaignent les mères de famille sur le chemin de l'école, et les pavillonnaires (chez lesquels les chats semblent l'emporter, y vivant souvent dans une semi-liberté). À y regarder de plus près, il ne s'agit pas là d'un engouement particulier envers la race canine, mais d'un des effets de la densité : les propriétaires de chiens sortant deux ou trois fois par jour promener leur animal, on voit un piéton sur trois accompagné d'un chien... |
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La Place des Fêtes, quand on vient du centre de Paris, on a l'impression qu'on va être à la campagne, on a de l'air, mais c'est souvent la tempête, ça incite pas à rester dehors, sauf le club des chiens. J’en fais partie, parce qu'ils sont marrants, mais ils ne parlent que des chiens, que des chiens, que des chiens... (Tr.3). Les rafales de vent dans les tours, qui s'engouffrent dans les gaines, sont parfois d’une telle violence qu’elles empêchent les portes automatiques des ascenseurs de se refermer. Elles créent une ambiance de haute montagne, ou de grand large. Cette puissante ventilation suscite un micro climat porté aux extrêmes, dès qu'il vente il fait beaucoup plus frais qu'au sol, et quand le soleil chauffe il fait aussi plus chaud dans les tours qu'ailleurs. Ce caractère radical de la thermique et l'aéraulique est ce qui fait sans doute dire à l'interviewée Tr3, sur le ton du dépit « on a l'impression qu'on va être à la campagne, mais c'est souvent la tempête » : autrement dit, on espère le calme campagnard de la nature bonne, et ce qu'on trouve c'est la furie non domestiquée de la nature sauvage ! C'est évidemment surprenant, mais certains apprécient ces ambiances assez uniques dans une grande ville. La tempête ici, c’est impressionnant ! (Tr2, plutôt admiratif) D11 — Comment
vivez-vous la nature dans ce quartier ? (C'est quoi, la nature,
ici ?) Et dans le quartier d'à côtê ? [celui des tours /
celui des pavillons] |
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Sachant que Mme Tr14 est amatrice de haute montagne, on est moins étonné de sa désillusion concernant la fameuse fontaine à cercles concentriques, qui ne coule jamais ou presque. Bien sûr, qui dit fontaine évoque le bruit des cascades de montagne, or cette fontaine-ci semble avoir été dessinée pour couler silencieusement : donc, elle est morte ! La fontaine de Marta Pan, ça me rend triste parce que j'aime beaucoup l'idée de cette fontaine et elle ne fonctionne pas, elle est morte... Ca aurait pu être quelque chose qui fédérait, avec l'eau, moi qui adore et là il n'y en a jamais et quand il y en a c'est un petit filet... Il a été question de l'enlever au moment du nouveau projet de place... (Tr14). La Place des Fêtes est bordélique. On a une fontaine sans eau, qui ne sert à rien... On parle toujours de la Place des Fêtes d'avant, mais moi je suis arrivé après... Il n'y a pas d’âme, sauf le petit square, où j'emmenais ma fille, dans le temps quand elle était petite, il était assez sale, les crottes de chien et tout... Je ne sais pas ce qu’ils vont en faire, de cette place... (Tr4) La maison à Avoriaz introduit au thème de la résidence secondaire comme pôle de nature, très important dans les tours, moins semble t-il dans les pavillons, comme cela semble logique. Pour beaucoup d'habitants des tours, leur appartement parisien insolite en plein ciel n'est vivable qu'en retournant régulièrement dans la vraie nature, très supérieure à celle des jardinets de pavillonnaires. C'est Tr4 qui utilise le plus intensivement ce système ; artisan, il se rend dans sa campagne parfois en pleine semaine pour y travailler au calme. Sa façon un peu unique de pratiquer la tour nous a fait réfléchir, quand il déclare : La campagne me manque, mais la tour elle-même ne me dérange pas, j'aurais peut-être même du mal à revivre au deuxième ou troisième étage, parce qu'on est dans le ciel, là... On voit le Sacré Cœur, les tours de la Défense, c'est de l'oxygène, ça... C'est bien de ne pas avoir de voisins en face ; ce que je n'aimerais pas c'est d'être dans la tour au neuvième ou dixième, et de voir surtout l'autre tour. (Tr4) Nous n'avions pas pensé à ça : la forte densité du quartier, suscitée par les tours, permet, en habitant justement dans une tour, de se retrouver seul, en plein ciel, sans voisins en vis à vis, et ainsi d'échapper à cette densité davantage que dans les pavillons ! Il est permis de penser qu'il s'agit ici chez Tr4 d’une naturalisation de la ville, qui vue d'assez haut et d'assez loin serait perçue comme une autre nature, complémentaire de celle, la vraie, qu'il préfère... Les autres pôles de nature sont les Buttes Chaumont, le square sur la Place, et les villas pavillonnaires. Les Buttes-Chaumont ne sont intensivement utilisées que quand les enfants sont petits ; ensuite ce parc est surtout pris dans l'image du quartier comme élément de standing : Mon quartier, c'est beaucoup les Buttes-Chaumont, avec Irène quand elle était petite, nous y allions en traversant l'ensemble d'immeubles de la rue Compans, très tristes. Les Buttes-Chaumont nous les utilisions bien... (Tr14). Le quartier, l'image n'est pas mauvaise ; mais les gens de Paris ne situent pas où c'est, il faut leur dire les Buttes-Chaumont et ils commencent à situer. (Tr4) Peut être aussi que « les gens de Paris » (dont les bellevillois ne font pas partie ?) sont légèrement inquiets d'apprendre que leur interlocuteur habite une sorte de grand ensemble intra muros ; et l'évocation des Buttes Chaumont les rassure : socialement, c'est un quartier bourgeois. Le square de la place, avec son kiosque à musique qui sert de pigeonnier, est redevable d'une autre surprise de taille concernant le rapport à la nature dans les tours : Ce que j'aime bien ici, curieusement, c'est en été le bruit des oiseaux, on les entend quand même, on est au 23e mais on arrive à entendre le bruit des oiseaux, et puis le bruit du marché, des gens qui, le marchand de pommes de terre qui chante et tout ça, ce genre de choses. Le joueur de saxophone, tout ce qui appartient vraiment à l'être humain, quoi. Ou à l'animal. À part les hurlements qu'on entend parfois dehors le soir ! Ce qui dérange, c'est surtout le bruit des voitures, les camions du Monoprix, les machines pour nettoyer les rues dès six heures du matin, c'est affreux... Et l'espace résonne, ça diffuse plus... (Tr3)
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Mme Tr3 manifeste t-elle une sensibilité particulière aux bruits ? La plupart des autres habitants des tours n'en parlent pas du tout de la même façon : Des bruits qui manqueraient ? C'est déjà assez silencieux comme ça. Il y a un vague ronron de la ville, rien ne me manque en particulier. (Tr4) Des bruits qui me manquent, sûrement pas les marteaux piqueurs ! Non, il n'y en a pas tellement, des bruits en définitive, si, quand les voisins font la fête, mais c'est normal ; le bruit du vent c'est angoissant, mais je suis habituée,- c'est vrai qu'il y a beaucoup de vent sur cette place. (Tr1) Chez Tr3, il semble qu'une insatisfaction concernant sa vie actuelle à Paris entre en ligne de compte dans son exaspération attribuée aux bruits, comme à la lumière ou à la qualité de sommeil : Moi j'en ai marre, maintenant. Mon mari, lui, il aime bien, mais moi cette tour elle me pèse, moi j'aimerais bien partir, c'est vrai que ça suffit, quinze ans au même endroit. J'irais bien à la campagne, si tout était possible, la vie de Paris, c'est bruyant. Ici on est encore pas trop mal lotis, mais il y a quand même un murmure incessant, une lumière continuelle, une qualité de sommeil très inférieure, ça n'a rien à voir. (Tr3) Quant à la promenade dans le quartier des villas, elle se doit par définition d'être sans but précis : J'aime bien les deux quartiers, mais pas de la même façon, moins je dirais le quartier des pavillons, évidemment, j'habite rue Compans et je fréquente la Place des Fêtes pour des raisons de transport évidentes, le métro, la vie quoi, les courses etc. En revanche le quartier des petites villas... c'est plus pour la promenade, on va dire ça comme ça, seul ou en famille ou alors il y a un but à la promenade, par exemple quand les ateliers d'artistes s'ouvrent au public. Il y a eu rue de Bellevue des maisons qui étaient ouvertes. C'est agréable et c'est aussi, quand des gens viennent découvrir notre quartier, c'est l'occasion de leur montrer cet aspect là de la vie du quartier. (Tr9). Dans le vieux Belleville, j'aime bien regarder les portes cochères, quelquefois on peut rentrer dedans, il y a des jardins à l'intérieur des immeubles... (Tr3) Cependant, la promenade chez les pavillonnaires est loin d'être le seul centre d'intérêt des amoureux de ce quartier, tel Tr5, qui préfère le Bas-Belleville (le vrai Belleville, où il se passe des choses) : B4 — Voici un fond de plan de votre quartier. Pouvons-nous voir en détail comment vous l'utilisez ? |
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4.2 la nature dans le quartier des pavillons |
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Dans les pavillons, l'absence d'espace public autres que les voies de circulation dans le quartier est vécu comme allant de soi, le prix à payer pour être au calme dans la nature : cette nature est tellement miniaturisée qu'elle semble avoir symboliquement besoin d'un surcroît de silence pour mieux parvenir à rester elle même (à accomplir la tâche symbolique que l'on attend d'elle). La présence des jardinets privatifs paraît donc corrélative de cette absence de vrais jardins d’une taille comparable à ceux des banlieusards de la grande couronne. Pourvus de « vrais » jardins (et de garages !) ces faux pavillonnaires auraient sans doute mieux supporté une plus forte animation urbaine du quartier, comme nous le voyons couramment dans des cités jardin hollandaises. Mais inversement à la Hollande, où l'on vit à rideaux ouverts, il y a ici une idéologie tacite, mais clairement observable, qui fait du jardinet parfois lilliputien de ce quartier un équivalent symbolique d'un « jardin secret ». Son paradoxe est alors que le secret doit être montré, mais juste assez pour tout de même rester secret. La nature est également importante pour les deux groupes, mais il y a une conception de la nature propre à chacun des deux quartiers ; nous avons vu la nature un peu cosmique des habitants des tours... Dans les pavillons, le jardinet fonctionne comme vitrine montrée-cachée, et en modèle réduit, du type de relation que l'habitant entretiendrait idéalement avec la Nature au sens large. Cette relation paraît souvent opposée ou critique du traitement urbain de la nature (celui de la Direction des plantations et jardins de la Ville). L'exiguïté de ces jardinets est le plus souvent perçue comme caricaturale par les habitants eux-mêmes, simple rappel des vrais jardins (voire parcs...) connus dans l'enfance ou à d'autres périodes de l'existence, ou de la vraie nature de la résidence secondaire actuelle. L'image 126 du jeu d'images a fonctionné dans ce sens.
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D11 — Comment
vivez-vous la nature dans ce quartier ? (C'est quoi, la nature,
ici ?) Et dans le quartier d'à côtê ? [celui des tours /
celui des pavillons] Nos pavillonnaires se comparent spontanément au quartier de la Place des Fêtes, à la situation inverse, et préfèrent leur « individualisme ». Mais le (magnifique) parc des Buttes-Chaumont est beaucoup moins pratiqué, ici aussi, qu'on ne pourrait le penser de par son voisinage tout proche : Sinon, quand on a à se promener, au début on se disait qu'on ne se promènerait qu'ici (montre les Buttes Chaumont sur la carte), mais finalement on se promène dans tout ça (montre sur la carte). Là on n'y fait pas de courses, on ne fait que s'y promener. Si, l'été, en descendant jusqu'ici (montre sur la carte) vous avez des commerces, une pharmacie, un bureau de tabac, cette petite place là, vous savez, au métro Pré St. Gervais. On ne va jamais dans les commerces de l'angle des Buttes-Chaumont, ni ceux de la place du Danube... J'ai le souvenir qu'il y a deux tabacs, et deux cafés, mais nous sommes beaucoup plus attirés par la rue de la Mouzaïa, c'est une belle voûte d'arbres, c'est assez agréable ; mais en dessous non, non non. (Pv9). Les Buttes Chaumont, qui paraissent le grand truc quand on vient s'installer ici, finalement c'est uniquement le dimanche et même pas tous les dimanches, si je vous dis une fois par mois je vous mens ; c'est peut -être tous les deux mois. (MPZ : et les autres squares ?) Je sais qu'ils existent, mais on ne les fréquente pas. Il y a un nouveau petit square entre l'école et la rue Compans, il est assez fréquenté, les jeunes paraissent contents d'y trouver quelque chose... Il y a un terrain de sport qu'ils ont l'air de beaucoup fréquenter, on les entend d'ici, le son rebondit sur les tours qui nous le renvoient, ils jouent tard, hein, à minuit ou à onze heures l'été ils font des matches, du basket surtout, ça marche très fort. Et on entend bien... Mais ça ne nous dérange pas. (Pv7). La belle voûte d'arbres est peut être significative de cette relation particulière à une idée de la nature plus offensive, une avancée de vrais arbres dans la ville qui réussissent à recréer l'ambiance de la forêt ou du bocage là où l’habitat humain a su rester de taille raisonnable : il n'y a pas de belle voûte d'arbres sur la Place des Fêtes ! Si les Buttes-Chaumont sont un peu tenus à distance, le très beau parc de Belleville, récemment ouvert vers le XXe arrondissement, n'est pas perçu comme élément du quartier pavillonnaire, là où certains habitants des tours parvenaient à l'intégrer au leur : On a visité ce quartier, quand on cherchait une maison, on a vu ce nouveau parc de Belleville, là où il y a un panorama sur Paris, mais on n'y est pas encore vraiment allé. C'est un peu loin pour y emmener les enfants. (Pv9). Pour les habitants des tours un peu au fait de Belleville, le quartier pavillonnaire est avant tout un rappel historique, davantage qu'un lieu de communion avec la nature. Pour Mme Tr3, une des rares personnes désirant partir vivre à la campagne (cf. 4.1), et faubourgeoise qui disait que le Belleville des Apaches était super, les pavillons n'ont jamais été des maisons ouvrières : Il y a ce groupe de villas, et il y a encore quelques rues du vieux Belleville, les Buttes-Chaumont, etc. Mais il ne reste plus grand chose, quand même. C'est sûr que c'étaient des taudis, des maisons insalubres, mais en même temps c'est un passé qui meurt, et on ne sait pas si c'est si impossible que ça de les réhabiliter. Parce que ça continue, ils démolissent des vieux immeubles en pierre pour les remplacer par des grandes constructions... Ils essayent de faire des trucs très néoclassiques, très monumentaux, tout ça, mais bon, c'est pas la même chose. On fait de la banlieue. C'était des maisons d'ouvriers ? Je croyais que c'étaient des bourgeois de Paris qui avaient fait construire là pour avoir une espèce de maison à la campagne... elles sont très recherchées maintenant, malgré qu'elles soient toute petites... Mes parents sont dans une maison comme ça, avec un bout de jardin, c'est sympa je trouve. (Tr3) Maisons de poupées, maisons pour vieux sympas, mais pas maisons à prendre au sérieux. Ce n'est bien sûr pas l'opinion des nouveaux arrivants Pv9, qui en décrivant leurs motivations très personnelles pour s'installer dans ce quartier ne mentionnent pas la nature, pour la bonne raison qu'ils l'ont justement quittée pour venir vivre la : Q1 — Qu'est-ce qui vous a conduit à habiter ici ? (explorer la part du conjoint dans le choix) |
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Ce ménage bien informé joue le jeu qu'impose l'identité particulière du quartier : Le samedi et le dimanche il y a des gens qui visitent le quartier, mais ça ne dérange pas. C'est inévitable quand on vit dans une curiosité ! On est sur le trajet d'un plan de la verdure dans Paris que distribue la Mairie pour des tours pédestres dans l'arrondissement ! (Pv9). L'évaluation par ce couple du degré de naturalité de sa maison dans Paris, et à la campagne en même temps, nous paraît également instructive : Nous sommes là depuis un an... Auparavant, on était à côté de Senlis, dehors de Paris dans un pavillon, et c'est un peu ce qui nous a poussé à vouloir retrouver un pavillon et on a rendu l'affaire un peu complexe en voulant retrouver un pavillon dans Paris ! C'était un peu difficile, mais on a trouvé. Ici, ça tourne un petit peu, on trouve... (MPZ : Vous diriez qu’ici c’est un vrai pavillon ?) Oui, ici, c'est un vrai pavillon, oui, vous pouvez faire le tour, enfin sur plusieurs côtés, c'est une maison complètement autonome, on a pas de... complications de copropriété ou des choses comme ça, on a quelques servitudes de... des points communs. Il y avait jusqu'à, il y a quelques années, le fait que chaque propriétaire de maison comme ça était copropriétaire de la moitié de la Villa, c'est à dire du passage, deux à deux. Mais ce n'est plus vrai, ces portions de terrain ont été rachetées par la municipalité, je crois savoir que c'est dans un souci d'entretenir en fait, que ce soit les canalisations d'eau, enterrées, les canalisations de gaz d'électricité, l'éclairage public, et les revêtements de sol. Donc c'est la Voirie qui est maintenant chargée de l'entretien. Vous avez la Villa ici qui est en travaux, Indice qu'ils retour l'électricité, toutes ces petites interventions sont faites maintenant par la Ville, alors c'est pas toujours à la satisfaction des gens qui l'habitent. (Pv9). Architecte, M. Pv9 saisit immédiatement la portée de notre relance (vrai ou faux pavillon ?) et livre le fondement de son diagnostic, trois côtés libres font bien un pavillon. Le sien est bien choisi, le sol en dessous est solide, non miné par la société industrielle du siècle passé, il est suffisamment naturel là où certains voisins se sont eux fait avoir : Vous avez des villas qui sont en contrebas, de l'autre
côté de la Mouzaïa, là vous avez des villas qui ont un problème
d'effondrement de sol. Tout ce talus (montre sur la carte) il
est sur des carrières, et c'est un gros problème pour les propriétaires
des petites maisons, pour la municipalité, etc. pour retrouver les
causes des effondrements, au niveau des assurances... (Pv9). |
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5 Conclusions |
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5.1 érotise t-on la densité ? |
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Et la fameuse érotisation de l'urbain selon Wickler ? Supposons que son hypothèse soit exacte. Depuis vingt ans nos deux quartiers se font face, l'un dix fois plus dense que l'autre. Sans aller jusqu'à prétendre de façon mécaniste que le quartier des tours devrait être dix fois plus érotisé que celui des pavillons, il devrait bien y avoir une différence entre les deux, observable dans la vie de tous les jours, et démontrant une érotisation supérieure à la Place des Fêtes. Rappelons la distinction que nous avons faite dans l'introduction de ce travail, entre érotisation et sexualisation. Pour l'éthologue Wickler, sans doute les deux termes sont-ils équivalents. Tant mieux, la sexualisation (des actes, et non de la fantasmatique) est plus facile à observer. C'est dans ce but que nous avons inclus deux images à connotation sexuelle dans le jeu d'images, des photographies de piétons passant devant des publicités osées de lingerie féminine. Les passants sur nos deux images restent impavides. Mais les interviewés tout autant, pour lesquels ces images ne suscitent pas le moindre commentaire à thématique sexuelle, même très indirectement (du genre « évolution des moeurs publiques », etc.). Sans doute ces images ne peuvent pas ne pas avoir un impact inconscient, mais comme elles ne montrent pas de l'érotisme, sinon des panneaux érotiques dans la ville, leur signification est déjà trop complexe pour qu'en émerge un discours conscient. Le lien avec l'urbain n'est pas fait, sans doute à juste titre : l'érotisation de la publicité passe par les médias, qui inondent la province et la campagne tout autant (sinon davantage) que les grandes villes ; sur ce point le mythe de la métropole babylonienne pécheresse a vécu. L'éventuelle sexualisation de l'urbain dans ces deux quartiers peut être approchée d'une autre façon, plus directe, en allant voir les patrons des vidéoshops et simplement leur poser quelques questions : qu'est ce qui marche le mieux, la location de cassettes de karaté, de Rambo, etc., ou le porno ? Car il y a dans chacun des deux quartiers un vidéoshop qui loue des cassettes aussi bien pour les enfants (Blanche-Neige) que pour les psychopathes (Les douze salopards) ou les gens dont la sexualité nécessite un exutoire supplémentaire (Fais-moi tout). Nous n'entrerons pas dans les considérations psychanalytiques savantes d'un Robert Stoller (37) où il démontre combien Blanche-Neige et Rambo sont proches voisins de la pornographie (selon lui, les romans roses et feuilletons télévisés romantiques dont sont friandes les honnêtes ménagères sont bel et bien une forme féminine de pornographie). Les vidéocassettes violentes ou sexuelles (parmi beaucoup d'autres catégories) en location dans les deux quartiers sont autant demandées, sans que l'on puisse en déduire si il y a un rapport éventuel comme celui proposé par Wickler. D'ailleurs quels pourraient bien être, dans ce cas, les gens qui regardent des films ultraviolents ? |
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Indifférence des passants devant les provocations sexuelles de la publicité. |
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On peut déjà se demander pourquoi, à densité dix fois supérieure, il n'y a pas dans le quartier des tours dix vidéoshops face à celui, place du Danube, du quartier des pavillons peu équipé en commerces et où il manque, par exemple, un vétérinaire, un marchand de couleurs, etc. Mais, de plus, la comparaison des deux boutiques, et celle des propos de leurs tenanciers, montrent une activité de location de cassettes à contenu sexuel brut plutôt supérieure dans le quartier des pavillons (dont la boutique reste ouverte même le dimanche et tient le coup depuis douze ans, alors qu'elle périclite Place des Fêtes). Pour continuer à nous faire l’avocat de Wickler et sauver malgré tout son hypothèse, il faudrait effectuer l'acrobatie qui consiste à penser que cette sexualisation ponctuelle de l'urbain est plus forte dans les pavillons précisément parce qu’une érotisation — discrète, agréable, diffuse et globale — de la vie quotidienne du quartier n'y existe pas comme effet de sa trop faible densité. À la Place de Fêtes, l'érotisation serait telle que cette sexualisation n'y est pas nécessaire, d'où la ruine des marchands d'hédonisme grossier. Est-ce bien raisonnable de formuler une telle hypothèse ? Nous avouons ici notre perplexité. En relisant les éthologues tels que Hall, Morris, Cyrulnik on se rend compte que la différence entre l'éthologie animale/humaine devrait passer par le constat de la différence entre instinct et pulsion. Pulsion implique signification, sens, jugement de réalité sur les percepts (chez Freud, pulsion = affect + représentation). L'instinct, lui, est inaltérable comme le logiciel d'un ordinateur. L'instinct est plus « naturel », en tous cas plus premier que la pulsion déjà « culturelle ». D'autre part, la ville, c'est de la culture (même si on y place des citations de la nature telles que des squares et des marronniers... ou les formes des femmes). Il s'ensuit que l'érotisme urbain serait donc, par rapport à la naturalitê des pulsions et l'artificialité de la ville, une drôle d'idée. Bien plus évidente à ce respect serait une érotisation de la nature. L'expérience « naturiste », popularisée ces derniers vingt ans, constitue ici bien évidemment une donnée intéressante, non plus par rapport à un agréable érotisme diffus et sublimé dans des oeuvres culturelles ou ambiances urbaines mais, retour aux sources, par rapport au stimulus sexuel brut. Paradoxe du naturisme, qui met la sublimation (des pulsions vers la culture) et la répression du désir sexuel à l'épreuve des tentations du jardin d'Eden : on y joue, de fait, à s'y durcir le Surmoi (tout autre durcissement étant réprouvé). L'érotisation de la densité se présente à l'inverse comme la transformation du déplaisir en plaisir, phénomène absent du discours brut de nos interviewés mais observable incidemment. La sexualisation wicklerienne de la densité ne s'observe guère à la Place des Fêtes que dans des contextes ludiques comme le marché (grivoiseries faubouriennes des vendeurs envers les clientes, folklore oblige) ou les bals, autrement dit, elle préexiste à la recherche de la situation dense qu'elle provoque en partie, au lieu d'y être subséquente. Essayons maintenant de proposer autre chose. |
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5.2 densités et destinées des densités |
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Au plan social, et sur celui de l'ethnopsychanalyse, il faut d'abord constater que Belleville, haut lieu en quelque sorte du pluri ethnisme urbain réussi, héberge un melting-pot dynamique de cultures très diverses et fonctionne comme une machine à intégrer des immigrés, qui en deux générations à peine deviennent de bons citoyens républicains français. Belleville produit des néo-bellevillois dont certains parfois même parviennent au statut d'emblèmes de francité populaire, comme Édith Piaf, enfant de Belleville à la grand-mère kabyle (38). Belleville, remarquons-le en passant, donne ainsi tort à l'ethnopsychiatre Tobie Nathan de réclamer des ghettos urbains pour les immigrés, sous prétexte que seuls ceux-ci préserveraient les cultes traditionnels, qu'il voit comme désormais seuls garants de leur intégrité psychique. Le progressisme ouvert ou sous-jacent des révoltés permanents que sont ceux qui adhérent au mythe communard de Belleville fait mieux, qui facilite aux immigrés une acculturation dans une plus grande égalité envers des français (et d'autres étrangers) vivant le lieu de la légende de leurs luttes. |
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Les différentes densités de ce lieu sont caractérisées différemment selon leur fréquentation. La rue de Belleville même est dite « populeuse », ainsi que le Bas-Belleville, terme qui semble inclure l'idée d'encombrement. Nous avons vu qu'il n'en va pas de même pour le quartier de la Place des Fêtes, où la grande place dilue les usagers ; et les rues anciennes voisines de la place, souvent aussi encombrées que la rue de Belleville ne sont pourtant pas dites « populeuses » : elles ne sont que faiblement marchandes, autre composante du caractère populeux de la densité. Le quartier des pavillons, assez bourgeois et très tranquille, n'est pas, lui, dit « résidentiel », ce qui le couperait du mythe bellevillois ; l'absence quasi-totale de garages ne lui permet pas vraiment de revendiquer ce caractère. Les densités objectives de ces lieux nous paraissent en définitive beaucoup moins importantes que le vécu de leurs habitants, pour lesquels nous avons vu que la densité ne signifie pas grand chose. La pauvreté des entretiens en ce qui concerne le thème de la densité constitue un résultat en soi ; il est difficile d'en parler, comme de tout ce qui est trop habituel et qui ne pose que rarement des problèmes. Il est pareillement malaisé de parler de son corps quand celui-ci est en bonne santé : seule la souffrance nous en fait prendre conscience. Malgré une batterie de questions précises sur le thème de la densité (cf. Annexe A2), seules nous ont livré des idées des personnes (toutes cirées dans ce rapport) qui prennent une position d'observateurs de la vie de leur quartier. Nos interviewés efficaces sont donc comparables à ces « informateurs privilégiés », avec lesquels travaillent les ethnologues. Il faudrait alors décanter le concept de la densité résidentielle en types d'événements les plus fréquents liés (plus ou moins directement) à cette densité. Tel que nous l'avons vu à travers le vécu des habitants, les seuls problèmes liés à la densité semblent bien être celui de l'encombrement des espaces publics aux heures d'affluence. Affluence de piétons sur des trottoirs trop étroits dans le quartier des tours, et affluence de voitures dans le quartier pavillonnaire dont l'urbanisme date d'avant l'automobile populaire. Si le chiffre de 1000 hab/ha paraît effrayant, c'est sans doute parce que la notion de densité résidentielle date de l’époque de l'urbanisme hygiéniste, celui qui se battait contre les taudis et la tuberculose : il pourrait y avoir contrebande sémantique entre le sens implicite de cet indicateur en termes de surpeuplement des logements (que nous avons appelé ici densité intrafamiliale), et le sens qu'il devrait avoir à notre époque et dans des tissus urbains non pathologiques (où les logements offrent en moyenne quinze à vingt mètres carrés par habitant). C'est bien parce qu'autrefois les logements étaient surpeuplés et insalubres qu'il y avait dans l'espace public une telle vivacité, jusque tard le soir. La vie de quartier animée et conviviale sur la place et dans les bistrots que connut Belleville jusqu'aux années soixante, et que beaucoup regrettent de nos jours en oubliant tous les inconvénients de la promiscuité, correspondait à cette, époque où l'on ne pouvait pas vraiment vivre toutes ses activités dans son logement ; cela est depuis longtemps devenu possible, et les gens sont devenus « casaniers » : ils regardent la télévision, élèvent leurs enfants, s'adonnent à des hobbies, bricolent et se rendent visite. Cette récupération domestique des univers de l'ancien bistrot et du cinéma de quartier diminue de beaucoup la densité effective dans l'espace public, et les 1000 hab/ha du quartier des tours passent inaperçus (on l'a vu, l'un de nos interviewés pense même que la densité serait trop faible, puisque le quartier est devenu un « quartier-dortoir » comparé au bon vieux temps). La même chose existe peut-être dans les pavillons, où la densité de 130 hab/ha est presque trois fois plus forte que celle de 50 hab/ha préconisée par Le Corbusier... On touche à nouveau le fait que ces pavillons sont minuscules et donc très peuplés. |
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Faut-il proposer la notion de « densité publique » contre celle de densité résidentielle, afin de lever cette difficulté ? Le problème semble de même nature que celui qui s'est posé dans le domaine du bruit, quand on s'est aperçu que l'unité d'intensité exprimée en décibels (le dB(a)) n'expliquait pas grand chose de la gêne subie dans la durée. Une nouvelle unité, le Lacq, fut définie qui tenait compte de divers paramètres temporels. Très utile pour des diagnostics de sites gravement pollués par le bruit, tels que les abords de pistes d'aviation, friches d'autoroutes, carrières, etc. le Lacq s'avéra cependant à son tour assez peu intéressant pour le paysagisme sonore en finesse, celui des ambiances urbaines dans lesquelles intervient puissamment la signification des bruits. De même, dans la densité publique on ne pourrait pas ne pas prendre en compte la signification pour les passants ou riverains de tel ou tel attroupement : est-ce la fête, ou l'émeute ? Du plaisir, ou de la gêne ? La polysémie, voire l'intrication sémantique, aussi complexe que la vie même, paraît ici encore plus inextricable que dans le domaine du bruit. Avec le vécu subjectif nous passons donc à l'autre scène, celle de l'inconscient. Concernant ce vécu subjectif, l'hypothèse de Wickler parait trop liée à l'éthologie animale : nous ne sommes pas des rats de Calhoun. Reprenons alors notre hypothèse de l’équipression psychique. Pour avancer notre hypothèse d'une équipression psychique entre le dedans et le dehors, nous avions commencé par poser que dans la vie de quartier, comme partout, il y a du conflit entre les principes de plaisir et de réalité, conflictualité qui est constamment élaborée par la prise en compte de l'offre urbaine symbolique du quartier. Le sentiment d'identité lié au quartier parvient à s'imposer — ou échoue — selon que l'interaction de ces deux offres (réelle et symbolique) parvient à créer du sens. Le sens de l'urbain se fonderait ainsi sur l'oscillation entre le fantasme personnel et le « mythe de quartier » (fantasme collectif et socialisé). Mais cela n'était pas suffisant, car la densité urbaine est aujourd'hui puissamment concurrencée par une « densité communicationnelle » (les contacts téléphoniques, la TV, le câble, le Minitel, Internet, le télétravail, etc.). Autrefois, la forte densité urbaine était la seule manière de parvenir à cette densité communicationnelle, maintenant une densité médiatique y supplée, et les plaintes concernant les embouteillages d'Internet commencent à prendre le pas sur celles, antiques, liées aux encombrements. À la suite de Searles, nous avions ensuite proposé quatre attitudes possibles chez le citadin :
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La seule densité résidentielle ne peut être vue comme dominante sur les autres acceptions pensables de cette notion. Il faut ajouter déjà à la « vraie » densité (externe, urbaine) la densité des lieux marquants, idéalisés voire magnifies dans le souvenir, celle donc, intrapsychique, des élaborations en cours de la pensée, consciemment ou inconsciemment. Nous retrouvons ici la dynamique dedans-dehors et les quatre situations typiques déjà évoquées dans l'introduction à ce travail. Le travail psychique permanent des individus (que l'on peut voir comme des densités intrapsychiques différentes) vient affronter les événements suscités par la densité urbaine. L'exigence d'équilibre du Moi qui vise à l'équipression psychique produit des « stratégies de densité » par rapport au bilan quotidien des événements, selon les situations vécues maison / transport / travail / loisirs / ville (flânerie...) :
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On voit tout de suite que, pour chacune des quatre situations typiques de densité urbaine, le citadin peut réagir selon chacune des quatre attitudes que nous avons défini à la lecture de Searles, ce qui donne déjà 16 façons différentes d'établir cette équipression, que l'on pourrait encore appeler « densité constante dedans/dehors ». Ceci nous a conduit à évoquer l'hypothèse d'un « bilan annuel de densité », idée proche de celle de l'exposition quotidienne aux multinuisances. Il y aurait des profils individuels des usagers urbains selon le temps passé dans des contextes de densités diverses au gré de leur métier, leur habitat et autres paramètres de leur existence. Le recours à la soupape de sécurité de la résidence secondaire dans la nature est lié, dans l'ambivalence, à la technique automobile et aux nuisances des embouteillages à affronter pour gagner le repos promis au contact de la nature. Par ailleurs, la dimension du choix apparaît vite déterminante dans le vécu positif ou négatif de la densité. Selon que l'on prenne le métro pour travailler ou pour se rendre à un stade de foot, un wagon bondé sera « infernal » ou festif... La densité urbaine, qu'elle soit forte ou faible, doit donc d'abord être revue selon le type de comportement des citadins du lieu considéré. Ce n'est pas la même chose de vivre à 1000 hab/ha entre gens qui se sont finalement cooptés au long des années, sur la base d'une communauté d'esprit, d'habitudes calmes, d'échanges respectueux de l’intimité d'autrui (comme nous en connaissons dans certains quartiers d'Amsterdam) ; ou bien sur le partage d'une identité culturelle forte qui implique des communications bruyantes, extraverties mais chaleureuses et une vie nocturne de quartier populaire traditionnel sans expression de la moindre gêne de la part des autochtones (comme à Barcelone ou Séville) ; ou encore dans les cités à problèmes entre survivants hostiles de la crise à affrontements quotidiens et rejet constant de l'autre. Pour rejoindre les éthologues, on pourrait d'abord traduire la densité en signaux échangés, individuels et culturels. Le nombre de signaux par unité de temps n'est pas forcément lié à une haute densité, mais seulement probable (c'est la vivacité qu'en attendaient ses partisans). Selon que ces signaux sont majoritairement amicaux ou inamicaux, le concept abstrait de la densité devient celui, beaucoup plus familier, du civisme allant vers la convivialité ou au contraire de l'encombrement allant vers l'affrontement et la violence. Nous étions, au terme de ce travail, tentés de conclure à l'existence d'un « système » ou « dialectique » de densités alternées. Densités en habitants dans les quartiers, modulées selon le jour, la nuit, la pleine activité ou la fin de semaine, les vacances. Densités intrapsychiques qui viennent en contrepoint aux premières, et qui apportent leur contrepoids extrêmement personnel jusqu'à l'établissement de l'équipression psychique chez chacun entre les deux densités. Mais, par acquis de conscience, avant de conclure nous avons jeté un coup d'oeil au célèbre livre de E.T. Hall. Or, dans son livre La dimension cachée, quand E.T. Hall traite de l'espace tactile, il note en passant un article de Michael Balint dans lequel ce dernier décrivait l'existence de deux mondes perceptifs différents, l'un orienté vers la vue, l'autre vers le toucher, et du mode de gestion de l'espace très différent de ces deux mondes. Mais Hall se hâte ensuite de décrire la différence entre la suspension des voitures américaines produites à Detroit et celle des voitures européennes, dans lesquelles on sent le contact avec la route. Et c'est tout ce que Hall a trouvé dans l’oeuvre de Balint, un des grands théoriciens de la psychanalyse moderne. Intrigué, nous avons vérifié la citation, et découvert une pensée chez Balint qui éclaire d'un jour nouveau toute la problématique de l'environnement, et donc aussi celle de la densité urbaine.
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Lors d'autres recherches, dans le domaine du logement surtout, nous avons souvent fait appel aux idées de Winnicott. La pensée très originale de Winnicott n'aurait sans doute pas vu le jour sans celle de son prédécesseur Balint, qui, pour être plus simple (ou moins compliquée...) n'en paraît pas moins s'appliquer beaucoup plus directement à la problématique de l'espace et de l'environnement. La citation de Hall est tirée de son livre Les voies de la régression (39). Balint y décrit effectivement deux types de relation au monde, aussi bien celui des objets réels externes que celui des objets de la réalité intérieure (que Hall oublie de mentionner). Balint parle de l'attitude « oknophile » et de l'attitude « philobate » :
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« Prenons d'abord l'oknophilie où l'existence d'une quelconque relation d'objet est une condition absolue et le rôle de la peur manifeste. Le terme grec okneo choisi pour désigner cette attitude exprime admirablement cet état de choses. Il signifie "s'accrocher à", "se rétracter", "hésiter", "redouter", sous-entendu que tout cela résulte de la peur, la honte ou la pitié en rapport avec un objet. Il y a manifestement un objet disponible, sinon l'individu ne pourrait pas s'accrocher. Le monde oknophile se compose donc d'objets et ces objets sont séparés par des espaces vides effrayants. L'oknophile va sans cesse d'objet en objet et abrège le plus possible son séjour dans les espaces vides. La peur surgit quand il quitte les objets et s'apaise lorsqu'il les retrouve. (...) L'accrochage oknophile à des objets ou à des objets partiels est la relation d'objet que la psychanalyse a le mieux étudiée. Peut-être a-t-elle pour caractéristique principale d'entraîner toujours et inévitablement la frustration. Mis à part le fait que l'objet auquel on s'accroche est toujours — dans la vie adulte — un simple substitut qui ne procure jamais une satisfaction complète, plusieurs traits inhérents à la relation d'objet oknophile rendent la frustration inévitable. Au philobate le monde dans son ensemble apparaît sous un
jour entièrement différent. Pour peu que les éléments ne soient pas trop
incléments — qu'il n'y ait ni orage ni
tempête — le pilote est en sécurité dans le ciel, le marin
en haute mer, le skieur sur les pentes, le conducteur sur la grande
route, le parachutiste dans les airs. Le danger et la peur ne
surgissent qu'en cas d'apparition d'un objet avec lequel il faut
composer. Le pilote doit décoller ou atterrir, le marin quitter ou
regagner le port, le skieur éviter rochers, arbres et crevasses, le
conducteur tenir compte des autres voitures ou des piétons sur la
route, le parachutiste sauter et atterrir. Nous dirons donc que le
monde philobatique se compose d'espaces amis, plus ou moins parsemés
d'objets dangereux et imprévisibles. Le philobate vit dans les espaces
amis en évitant soigneusement tout contact aléatoire avec des objets
potentiellement dangereux. Alors que le monde oknophile est structuré
par la proximité physique et le toucher, le monde philobatique est
structuré par la bonne distance et la vue. On peut aisément vérifier
l'étroite relation qui existe entre le philobatisme et la vue,
l'oknophilie et le toucher, en essayant de se déplacer les yeux bandés
dans un environnement peu familier. Privé de l'orientation par la vue,
on vit réellement d'objet en objet, en sécurité tant que l'on est en
contact avec les objets et relativement exposé quand on se trouve seul
dans les espaces qui les séparent. Soulignons que ce ne sont pas les
espaces vides, eux-mêmes qui sont ressentis comme dangereux. Le
véritable danger reste celui-là même que nous avons rencontré dans toute
situation philobatique : l'apparition soudaine d'un objet
aléatoire avec lequel il faut composer. |
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Le lecteur voudra bien nous pardonner celle très longue citation d'un texte assez oublié, qu'à tort où à raison nous avons cru nécessaire d'inclure à l'appui de notre démonstration. Car à cette lecture, il nous a semblé clairement reconnaître un certain nombre de nos interviewés ! La distinction de Balint entre les oknophiles et les philobates s'applique parfaitement à tout ce que avons vu chez Mme Tr14 (oknophile), chez M. Tr5 (philobate), ou chez le couple Pv9, où lui est philobate, et elle plutôt oknophile. Le modèle du philobate semble cohérent avec les deux derniers points de notre grille d'attitudes inspirée par Searles :
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L'oknophile colle, lui, assez bien avec nos deux premiers points :
Les deux notions nouvelles introduites par Balint n'ont eu aucun succès auprès de ses collègues. Balint explique lui-même dans son livre suivant (et beaucoup plus connu) Le défaut fondamental en quoi ses deux notions s'approchent ou diffèrent de celles d'introverti et extroverti chez Jung, de schizoïde et cyclique chez Kretschmer, des trois types proposés par Freud (le type érotique, narcissique et obsessionnel). Il se sent le plus proche de Fenichel avec sa distinction entre type phobique et contraphobique. |
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Les deux notions d'oknophile et de philobate pourraient permettre une relecture du vécu de l'espace urbain par les citadins, en ventilant sur une grille psychologique plus fine les observations que E. Hall a fait essentiellement au niveau de cultures nationales globales. Il paraît par exemple probable, au vu de la citation de Balint, que les philobates doivent souffrir mille morts dans un métro bondé, tandis que les oknophiles tolèrent infiniment mieux ce genre de situation. De façon générale, les oknophiles seront moins partie prenante dans tout ce qui concerne l'espace et son organisation, préoccupations plutôt philobatiques. Cela signifie, en toute modestie, que les préoccupations d'aménagement spatial, architecture, urbanisme, ne concerneraient qu'une moitié de l'humanité, les philobates, dont c'est the cup of tea. Balint cependant ne fait pas œuvre de psychosociologue, et ne nous dit pas comment les ressortissants des deux attitudes humaines fondamentales parviennent à vivre ensemble, à faire affaire ou du moins à se supporter : il ne décrit pas les modes de socialisation de ses deux groupes, mais se borne à indiquer qu'il s'agit pour lui de tendances extrêmes qui cohabitent à des degrés variables en chacun de nous. |
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5.3 Le Corbusier avait-il raison ? |
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Le mythe des tours, voire celui de la « tour infernale » a certainement un lien avec la mauvaise image des grands ensembles. Il y a ainsi des gens qui font un détour pour ne pas voir les tours de la Place des Fêtes. Même quand ces riverains finissent par connaître quelques habitants des tours, et la convivialité qui y règne, le mythe des tours malfaisantes et du béton-qui-tue ne cède que rarement de sa force. Bizarrement, ceux qui y tiennent décident, plus ou moins consciemment, que ces tours n'en sont donc pas vraiment. Ils ont du mal à s'avouer que ce quartier des hauts de Belleville, qui socialement fonctionne si bien, constitue dans sa forme architecturale et urbaine bel et bien un grand ensemble. Il y aurait là scandale, car cette prise de conscience serait celle que le mal des grands ensembles ne réside pas dans un mystérieux effet de leur architecture ou leur urbanisme (dont la paternité est assez généralement, et à tort, attribuée à Le Corbusier), mais plus politiquement dans leur bannissement hors de la ville, leur affectation aux exclus de la société et leur sous-équipement. Même quelqu'un d'aussi averti que Boris Cyrulnik a pu écrire : |
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« Grâce à Le Corbusier, l'expérience de Calhoun a été refaite sur les humains. Dès la charte d'Athènes, il a mis son talent au service d'une conception économique et idéologique moderne : comment utiliser l'espace au sol pour réduire le coût de la construction. Les tours qui résultent de cette démarche inspirent des fantasmes variés qui vont de la justification esthétique au triomphe métaphysique. [...] Mais sur le plan social, la pression de l'architecture, comme chez les rats de Calhoun, induit des conduites et des organisations socioculturelles qui favorisent les groupes archaïques et revêtent des ruptures écologiques » (40) (l'expérience des rats de Calhoun était, on s'en doute, terrifiante). |
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Or, la densité proposée dans ses écrits par Le Corbusier n'est que de l'ordre de 500 hab/ha, la moitié de celle du quartier que nous venons d'étudier (voir illustration suivante). Il est évident que la réussite du nouveau Belleville issu de la rénovation brutale des années 70, la survie de larges pans de la sociabilité bellevilloise et l'émergence d'une convivialité de nouveaux bellevillois habitant des tours et des barres bien implantés dans la ville et bien pourvus en équipements et circulation, crée un scandale frappé de silence, celui d'une victoire posthume de la conception de l'espace urbain corbuséen. Les six « paquebots » du quartier sont trop clairement une citation de la « maison du fada » de Marseille. Admettre que de très hautes tours, fort laides au dehors, et symbole populaire de tous les dysfonctionnements des cités du logement social, s'avèrent avoir été le support du développement d'une grande convivialité de quartier, signifie que Le Corbusier, même si c'est à un seul endroit de la planète, pourrait avoir eu raison. Ce qui empêcherait de recommencer à dire tranquillement que le spatial détermine le social, dont les rapports sont infiniment plus aléatoires et complexes. Que l'on renonce au recours si commode aux boucs émissaires c'est, semble t-il, trop demander. Du point de vue des grands récits urbanistiques passés, il n'est pas exagéré de prétendre que le quartier de la Place des Fêtes correspond bien à la conception corbuséenne de l'espace urbain, si on prend en compte les quelques différences suivantes : |
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Illustration de Le Corbusier, Les trois établissements humains, Ascoral, 1959, éditions de Minuit, p.35 |
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L'architecte Paul Chemetov donne la même réponse, et une leçon de sociologie urbaine, quand il s'étonne que les tours du Front de Seine (aux façades signifiant richesse, réussite sociale) ne soient pas décriées comme celles, à émeutes populaires, de la cité du Val Fourré, ni traitées par le silence incrédule dont font l'objet celles de la Place des Fêtes (à l'esthétique identique à celles du Val Fourré) : « Il est habituel dans cette misère d'invoquer les dieux et les maîtres. Une incertaine Charte d'Athènes aurait oublié la ville et fait fleurir le béton en lieu et place de nos choux. Quand s'édifiaient les cités radieuses, les architectes y trouvaient une radicalité sans ombres, les fonctionnaires l'accomplissement de leur rationalité, le public du soleil, des radiateurs et des baignoires. Faut-il parler des ascenseurs tant décriés depuis ? La dénonciation des grands ensembles serait en ce cas une synecdoque et ne traduirait que la peur des classes dangereuses. On n'entend guère parler du Front de Seine qui défigure proprement Paris, ni du Point du Jour, habités tous deux par les classes moyennes et pourtant formellement semblables, au décor près, aux barres et tours des pauvres. » (41) |
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Cependant, si une densité de 1000 hab/ha donne de si bons résultats, pourquoi Le Corbusier dans ses théories sur la Ville Radieuse avait-il préconisé 500 hab/ha comme la bonne densité assurant l'animation urbaine ? Sans doute n'osait-il pas, le chiffre qu'il proposait était intuitif, basé sur son expérience du vernaculaire. Et que se passerait-il à 2000 hab/ha ? Nous ne savons pas davantage. Il est clair, tout au moins, que nous ne sommes pas des rats programmés par l'instinct ; nous sommes doués non seulement de raison mais d'une plasticité des pulsions qui nous permet d'inventer de la culture urbaine pour toutes les densités. Nous ne pouvons donc que rejoindre la prudence dans l'extrapolation de l'animal à l'humain du constat de Hall, cité par Pierre Merlin (42): « La recherche de densités optimales relève largement de l'idéologie. Cependant, de même que l'éthologie animale a mis en évidence des grandes différences de densités viables selon les espèces animales, on constate, dans les sociétés humaines, des écarts considérables, sans qu'on puisse faire apparaître des seuils létaux comparables à ceux observés pour les animaux » (E. T. Hall, La dimension cachée, 1971). |
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Annexes |
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A1 -Méthodologie Au plan des méthodes de recueil des données, nous avons utilisé une approche assez complexe, combinant les entretiens semi-directifs avec la passation d'un jeu d'images et l’observation directe ou participante à la vie des deux quartiers. Au plan de l'analyse de données, nous voulons confronter les mécanismes de défense éthologiques wicklériens à sept autres mécanismes, plus classiquement psychosociologiques et mieux connus, dans une approche pluridisciplinaire des représentations et attitudes envers la ville et la nature, combinant l'éthologie et la psychanalyse, rapportés aux systèmes d'habitats des usagers des deux quartiers. L'ensemble de ces interrogations nous parant pouvoir s'inscrire dans un cadre thématique inspiré des travaux de G. Devereux (le « complémentarisme » entre sociologie et psychanalyse) et de B. Cyrulnik, cadre à la fois éthologique el psychanalytique se référant à des mécanismes inconscients, autant qu'à des significations individuelles et collectives attribuées à la ville dans sa dimension consciente/préconsciente : l'imaginaire social urbain. Cette dialectique Éros/Thanatos ne nous semble cependant pas la seule réponse de l'individu face à la surstimulation provoquée par les situations de densité. Plus simplement, la fuite (dont H. Laborit a fait l'éloge dans un livre du même nom) constitue une réponse classique aux situations déplaisantes, et on peut observer dans ce registre la fréquentation des espaces moins bondés, le plus souvent des espaces verts. La nature se situe, au plan de ses significations inconscientes, clairement du côté des éléments maternels. Les diverses configurations sous lesquelles apparaît la nature (réelle ou imaginée) répondent facilement aux différentes figures de la mère : Mère archaïque, bonne ou mauvaise (la mer démontée, par exemple, ou le tremblement de terre), la Mère nourricière et protectrice des origines ou la Mère initiatrice facilitant l’acquisition graduelle de l'autonomie (Winnicott). Outre l'évaluation des mécanismes de défense par L’érotisation ou par le recours à la nature réelle ou symbolique et leurs modalités de mise en œuvre, nous tentons d'en délimiter l'importance par rapport à des mécanismes psychosociologiques plus classiques et par rapport aux écosystèmes des habitants, dans une approche globale des représentations et attitudes envers la ville et la nature. À cette fin, nous mettons en concurrence théorique l'éventuelle érotisation de l'urbain avec d'autres modalités pensables de gestion réussie/échouée du vécu urbain par l'imaginaire social, qui constitueront nos contre hypothèses :
Chacun de ces mécanismes a été, par le passé, mis en évidence dans les recherches auxquelles nous avons participé, dans l'équipe de la CEP de Jacqueline Palmade et Françoise Lugassy, plus tard au service des sciences humaines du CSTB, et surtout au contact personnel de Georges Devereux. Pour parvenir à ce type de diagnostics psychosociologiques, il nous faudra mettre en œuvre conjointement deux outils de recueil de données, l'un visuel et inspiré de notre recherche de 1985 sur l'esthétique architecturale, l'autre plus classique, issu de recherches sur la gêne attribuée au bruit, et ce en mettant à profit notre observation participante de deux quartiers très proches mais à densité urbaine opposée, celui des tours de 26 étages de la Place des Fêtes et celui, attenant, des pavillons à jardinets. Nous attendons de cette opposition entre les densités urbaines réelles la vérification ou l’infirmation des deux hypothèses principales concernant la nature et l'érotisation, mais surtout nous voulons illustrer concrètement ces attitudes envers la ville en essayant d'en décrire les supports urbains réels. Il n'est pas exclu, par exemple, que dans le quartier « campagnard » ne règnent d'autres modalités d'angoisse que celles suscitées par la surdensité ou compacité, avec en réponse d'autres défenses que celle par l’érotisation ou la nature... Le premier outil se compose d’un jeu d’images de photographies nombreuses renvoyant à des lieux, activités, situations, événements et sollicitations diverses dans la ville et la nature et constituant une « maquette » de l'univers perceptif. Il s'utilise comme un test projectif du type TAT de Murray. La question à laquelle doit répondre cet outil serait : « de tout ce que l'on peut vivre dans l'environnement sensible, qu'est ce que les gens privilégient ? Qu'y associent-ils ? » Nous suivons ici la leçon éthologique de B. Cyrulnik, qui écrit : « la signification qu'on attribue à un autre, à un lieu peut modifier nos métabolismes et nos émotions au point d'en bouleverser les comportements qui y prennent racine ». Le second outil est un questionnaire d'entretien semi-directif visant à recueillir des éléments concernant la vie et la personnalité des interviewés (indispensables pour évaluer les données précédentes), par l'exploration succincte du degré d'importance de douze grands champs régissant pour l'essentiel leur existence. Il nous est, en effet, toujours apparu indispensable de pouvoir situer avec précision les personnes qui expriment les opinions avec lesquelles, pour l'essentiel, nous travaillons. Ces douze champs se divisent en quatre rubriques : l'individu, la famille, la société et l'environnement. Ce sont :
Ces douze éléments d'analyse fournis par des interviews psychosociologiques approfondis reprennent notre idée de 1977 du « score de bien-être potentiel », constitué du diagnostic, après entretien, sur les champs fondamentaux de la vie des personnes interviewées. Ce score « BEP » avait à l'époque corrélé de façon satisfaisante avec l’expression de la gêne, de l'indifférence ou du plaisir attribuês aux bruits ; un « BEP »,faible, notamment induit souvent le mécanisme de la projection sur des boucs émissaires -bruit surtout- la fuite dans des substituts de la nature ebou un narcissisme accru (repli sur soi). Actualisé sous la forme ci-dessus en douze points, il a de nouveau donné toute satisfaction en 1992 dans une étude préopérationnelle de réhabilitation à Metz. |
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A2 — Guide d'entretien et jeu d'images GUIDE D'ENTRETIEN DENSITÉ URBAINE, novembre 1995 Entretiens à effectuer de préférence avec des couples, entendus simultanément ou successivement ; si un seul conjoint, le relancer au sujet de l'absent : Et votre mari ? / votre femme ? (ev. « ami », « compagnon », « époux », etc. Adopter le vocabulaire de la classe sociale concernée). A — entretien non directif A1 — Qu'est-ce qui est important pour vous ? (et vous, monsieur ? / madame ?) A2 — Pouvez-vous me parler de cet endroit que vous habitez ? (faire définir l'endroit) B -jeu d'images B1 — les usages réels des espaces des deux quartiers ; les trajets et parcours ; les endroits préférés ; ceux qu'ils évitent ; les endroits indifférents ; (et vous, monsieur ? / madame ?) B2 — l' « histoire des deux quartiers pour l'interviewe ; le « standing » urbain par rapport aux quartiers de Paris ; les usages antérieurs à la rénovation urbaine ; (et vous, monsieur ? / madame ?) B3 — le degré de connaissance et l'implication dans la rénovation ; le bilan de cette rénovation ; (et vous, monsieur ? / madame ?) PLANS :
(et vous, monsieur ? / madame ?) C — entretien semi-directif (les formulations sont indicatives, suivie l’ordre spontané de l'interviewé). Logement actuel (et vous, monsieur ? / madame ?) Quartier/ville/nature/environnnement (et vous, monsieur ? / madame ?) Voisinage (et vous, monsieur ? / madame ?) Densité (et vous, monsieur ? / madame ?) Famille et couple (et vous, monsieur ? / madame ?) Enfance (et vous, monsieur ? / madame ?) Travail (et vous, monsieur ? / madame ?) Loisirs (et vous, monsieur ? / madame ?) Changement social/travail (et vous, monsieur ? / madame ?) Q44 — Vous sentez-vous intégré, en accord, avec la société actuelle ?
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Photographies des deux quartiers et planches issues du test APM de 1985 explorant la densité |
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A3 — Bibliographie Ouvrages généraux : BONVALET (C.) ; MERLIN (P.) ; DESPLANQUES (G.) ; CHAMPION (J.-B.) ; GARE (T.), Transformation de la famille et habitat : Actes du Colloque présidé par Pierre Merlin. Paris, 20-21octobre 1989. Paris : Presses Universitaires de France ; Travaux et Documents, n°120 ; 1988 ; 371 p. ill. CAUQUELIN, A., Essai de philosophie urbaine, PUF 1982. DECOUFLE, C., « Une anthropologie culturelle de l'aménagement de l'espace », in Cahiers Internationaux de Sociologie, janv. 1972. DEVEREUX, G., 1972, Ethnopsychanalyse complémentariste, Flammarion,coll. Champs, 1985. HAUTMONT, N., SEGAUD, M., (dir) Familles, mode de vie et habitat, L'Harmattan, 1989. GOFFMAN, I., La mise en scène de la vie quotidienne, 2 vol, Minuit, 1971. GOUBERT, J.-P, Du luxe au confort, Belin, 1988. L'idée de la ville, actes du colloque international de Lyon, Champ Vallon, 1984. KOPP, A., Quand le moderne n'était pas un style mais une cause, ENSBA, 1988. LE DANTEC, J.-P., Dédale le héros, Balland, 1992. LEDRUT, R., L'espace social de la ville, Anthropos, 1968. LEFEBVRE, H., La pensée marxiste et la ville, Casterman, 1972 LUGASSY, F., Le discours idéologique des architectes et des urbanistes, S.E.U, 1972. MITSCHERLICH, A., Psychanalyse et urbanisme, réponse aux planificateurs, Gallimard, 1970. PALMADE, J., 1977, Système symbolique et idéologique de l'habiter, CSTB - CEP. ANSAY, P., SCHOONBRODT, R., (dir.) Penser la ville, choix de textes philosophiques, AAM, 1989. PERIANEZ, Manuel, 1975, Les significations de la gêne attribuée aux bruits dans le logement, (avec FI. Desbons), C.E.P. PESSIN, A., SKOFF TORGUE, H., Villes Imaginaires, Le Champ Urbain, 1980. PETONNET, C., Espaces habités, ethnologie des banlieues, Galilée, 1982. SANSOT, P., Poétique de la ville, Klincksieck, 1971.
Travaux sur la relation architecture-nature ACCES (L’) A LA NATURE. - PENN AR BED. (FRA). ; N° 132, 4e TRIM. 1989. - PP. 189-198 ; TEXTE ; DDE22 ARCHITECTURE AS ANOTHER NATURE AND RECENT PROJECTS. - ARCHITECTURAL DESIGN. (GBR). ; VOL. 61, N° 3-4, 1991. - PP. 14-37 ; TEXTE ; CDU ARCHITECTURE ET SOCIAL-DEMOCRATIE. NATURE ET CULTURE DANS LES CITES JARDINS. PARIS, BRA, 1990.-106 P ARCHITECTURE FOR ALL SENSES, CONSTRUCTION CELEBRATION. - ARCHITECTURAL R. (GBR). ; VOL. CLXXXIX, N° 1136, OCT. 1991. - PP. 27-34 ; TEXTE ; CDU ARCHITECTURES ET NATURE ; 18 EXEMPLES INTERNATIONAUX ; TRAD. DE L'ANGLAIS PAR NICOLE VALLEE. - PARIS, EDITIONS DU MONITEUR, 1980. - 183 P. PHOTOGR. NOIR ET BLANC, PHOTOGR. EN COUL, INDEX ; (COLL. « ARCHITECTURE ET DECORATION ») ; CDU 11923 TEXTE ; CD ARQUITECTURA / NATURA : HISTORIA D'UNES RELACIONS. / ARCHITECTURE ET NATURE : HISTOIRE D'UNE RELATION. - DOCUMENTS D'ANALISI GEOGRAFICA. (CAT). ; N° 11, 1987, PP. 35-59, FIG, PHOT, ILL, BIBLIOGR. ; TEXTE ; IAURIF ASPECTS DES DOMAINES D'ARCHITECTURE APRES 1940. LES INGENIEURS DANS LA RECONSTRUCTION : IMAGES ET STRATEGIES. - C. DE L'INSTITUT D'HISTOIRE DU TEMPS PRESENT. (FRA). ; NO 5, JUIN 1987. -PP. 51-82 ; (IMAGES, DISCOURS ET ENJEUX DE LA RECONSTRUCTION DES VILLES FRANCAISES APRES 1945) ; CDU 19925 ; EPC NY2744 TEXTE ; PLAN-URBAIN BACK TO EARTH. NORWEGIAN INTEGRATION. NATURE TRAIL. - ARCHITECTURAL R. (CBR). ; VOL. CLXXXVIII, N° 1123, SEPT. 1990. - PP. 80-89 ; (GREEN ARCHITECTURE) ; TEXTE ; CDU BOIS (LE) DANS LA CONSTRUCTION. - PARIS, EDITIONS DU MONITEUR, 1990. - 382 P, PLANS, PHOT, ILL, ANN. ; MV 6569 TEXTE ; EPAMARNE COMPREHENSION (LA) DE LA NATURE DANS L'ARCHITECTURE PAYSAGERE. « LE PARADIS ET LA GEOMETRIE ». -ANTHOS. (CHE). ; NO 3/89. - PP. 12-17 ET 34-39 ; TEXTE ; CDU CONTROLES ORGANIQUES DE LA LIAISON NATURE/ARCHITECTURE. - ARCHITETTURA. (ITA). ; N° 405-406, AOUT 1989. - PP. 508-519 ; TEXTE ; CDU EAST GOES WEST ; SYNTHESIS : TOWARDS A TRADITION-BASED ARCHITECTURE ; A FUSION OF NATURE AND CULTURE IN DESIGN ; THE NEW TRADITIONALISTS. - MIMAR. ARCHITECTURE IN DEVELOPMENT. (SCP). ; N° 40, SEPT. 1991. - PP. 30-45, FIG, PHOT. COUL. ; CA RB64 (91:40) TEXTE ; ACA EAU (L') AU COEUR DE LA CITE. PROJET D'AMENAGEMENT DE LA DARSE DE MILAN ET DE SON CONTEXTE URBAIN. - RECUPERARE. EDILIZIA DESIGN IMPIANTI. (ITA). ; N° 21, JANV. FEV. 1986. - PP. 22-37 ; (PROJETS ET INTERVENTIONS) ; TEXTE ; CDU GYN/ECOLOGY : ON THE RELATIONSHIP BETWEEN WOMAN, NATURE AND SPACE. - EKISTICS. (GRC). ; VOL. 52, N° 313, JUILL. -AOUT 1985. - PP. 343-351, FIG, BIBLIOGR. ; CA R139 (313) TEXTE ; ACA JARDINS SECRETS DE PARIS. - PARIS, ED. DU MONITEUR, 1980. - 183 P, PHOTOGR, BIBLIOGR. (COLE. ARCHETYPES/ARCHITECTURE) ; DRE 3609 ; IA 14202 ; CDU 11918 TEXTE ; DREIF MODERN REGIONALISMS : ARCHITECTURE IN TESSIN CANTON, SWITZERLAND. THEODOR FISCHER, MASTER OF THE SOUTH-GERMAN REGIONALISM. - MAGYAR EPITOMUVESZET. (HUN). ; VOL. LXXX, NO 6, 1989. - PP. 40-58 ; (REVUE CONSULTABLE AU CENTRE DE RECH. SUR L'HABITAT-ECOLE D'ARCHITECTURE DE PARIS-LA DEFENSE) ; TEXTE ; ENPC MORT (LA) EN VILLE ET LE TERRITOIRE DES DEFUNTS : SESSION DE PERFECTIONNEMENT, 27-29 NOV. 1985. - METZ, INSTITUT EUROPEEN D'ECOLOGIE, 1985. - DOSSIER ; CDU 16877 TEXTE ; CDU MYTHOS (DER) VOM VERLOREN PARADIES. ZUM VERHAELTNIS VON ARCHITEKTUR UND LANDSCHAFT. / MYTHE (LE) DU PARADIS PERDU : LA RELATION ENTRE ARCHITECTURE ET PAYSAGE. - ARCHITEKTUR WETTBEWERBE. (DEU). ; NO 107, SEPT. 1981. - PP. 4-8 ; (THEME DE CE NUMERO : BAUEN IN DER LANDSCHAFT ». RESUME ANGE.) ; TEXTE ; CDU PARADOXE (LE) DU « JARDIN NATUREL ». LA NATURE DANS LE PROCESSUS DE GESTION DE L'ENVIRONNEMENT. - ANTHOS. (CHE). ; NO 3/89. - PP. 24-33 ; TEXTE ; CDU PETER EISENMAN. - ARCHITECTURE D'AUJOURD'HUIL (FRA). ; NO 279, FEV 1992. - PP. 98-115, PLANS, PHOT. EN NOIR ET EN COUL, ILL. ; IA P. 78 TEXTE ; IAURIF QUALITE (LA) DE LA VILLE. URBANITE FRANCAISE, URBANITE NIPPONNE. - TOKYO, MAISON FRANCO-JAPONAISE, 1987. - XII-327P, PHOTOGR, PLANS, BIBLIOGR. ; IA 25779 ; CDU 25418 TEXTE ; IAURIF SOLEIL, NATURE, ARCHITECTURE. - ROQUEVAIRE, EDITIONS PARENTHESES, 1979. 246 P, FIG, BIBLIOGR. ; IA 13741 ; CDU 12158 ; CTA 5853 TEXTE ; IAURIF VILLE ET NATURE. - TECHNIQUES ET ARCHITECTURE. (FRA). ; N° 319, AVR. -MAI, 1978. -PP. 25-111, FIG, PHOT, TABL, GRAPH. ; TEXTE ; IAURIF
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A4 - Caractéristiques des interviewés Échantillon des entretiens Place des Fêtes/Quartier Danube Légende du tableau:
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