Mon architecture à moi
   

Manuel Periáñez___________________________________________________manuelperianez1940@gmail.com

 
   

 

 

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« La mia architettura…
Architectuur voor mij…
Mon archi à moi… »*

 

 

 




* À propos de la recherche « Désirs, plaisirs et conventions d'architecture : perceptions comparées à Amsterdam, Paris et Venise », Manuel Periáñez, ARIISE et PUCA, Paris 2005, 135p.

   

Article paru dans Qualités architecturales, conceptions, significations, positions, dir. R. Hoddé, pp.149-158, 2006.

   
   

« Le musée imaginaire, avait dit Malraux, est un musée dont les œuvres semblent nous choisir ». Sans doute pourrait-on en dire autant des images d’architecture, d’œuvres d’art et de nombreuses autres dimensions du domaine visible que les participants à notre jeu-test APV (Amsterdam-Paris-Venise) croyaient avoir choisi, alors que souvent, de leur propre aveu ultérieur, les images les choisissaient… Ce jeu-test leur était proposé sous la forme d’un CD-Rom (1) contenant un peu moins de 4000 images présentées graphiquement comme une galaxie de dix grands thèmes (des systèmes solaires) et trente-trois sous thèmes (des planètes), l’ensemble constituant une sorte de maquette du visible, où domine cependant l’architecture (la moitié des images). L’ordinateur enregistrait les choix d’images des participants, et leur recueil était suivi par des entretiens semi-directifs, destinés non seulement à les faire commenter leurs choix, mais surtout à comprendre l’expérience de vie à partir de laquelle nous parlaient ces personnes. La méthode consiste donc, pour l’essentiel, à ne pas se borner à recueillir des opinions sur la qualité architecturale, mais à mettre ces opinions conscientes en regard de l’histoire de la construction du sujet (la personnalité et la situation sociale des personnes) et ainsi mieux évaluer à travers quel cheminement elles aboutissent à leurs choix d’images, apparemment si spontanés...

 
   


L’écran « galactique » du jeu d’images

   
   

Allons tout de suite au principal résultat : toutes les images qui arrivent en tête du classement des thèmes à connotation positive s’avèrent être des images d’architectures de très haute qualité (selon l’avis compétent des architectes), ce qu’il est convenu d’appeler des chefs d’œuvre. Les gens ont donc l’œil, y compris les Français ! C’est en tout cas ce que notre recherche, du plus qualitatif au plus quantitatif, du sondage à la psychanalyse, indiquait. Dans chaque ville des centaines de boîtes à lettres de riverains de canaux ont été démarchées avec un prospectus expliquant la recherche et posant une demi-douzaine de questions fermées sur l’architecture (à Paris, sur le parcours Bastille – la Villette). Puis, environ 200 exemplaires du CD-Rom ont été distribués aux personnes y ayant réagi favorablement. Les 80 participants ayant joué le jeu jusqu’au bout ont fini par livrer une centaine de dossiers utilisables, certains ayant joué le jeu de multiples fois. Leurs albums contiennent environ 600 groupes d’images. La façon de jouer le jeu, les styles de passation de chacun différaient considérablement en fonction de la personnalité, du niveau socioculturel et du pays. Mais surtout, nous semble-t-il, de son état d’esprit du moment (un aspect que les passations multiples, non prévues au départ, ont permis de mettre en évidence, et sur lequel nous reviendrons car il constitue un résultat paradoxal et déterminant de notre travail). Après l’analyse de contenu des premiers résultats, nous avons retenu certains des cas-type les plus parlants dans chaque ville comme « informateurs privilégiés », selon la tradition ethnologique : six personnes à la fois représentatives des attitudes envers l’architecture qui se faisaient jour à travers les premiers résultats, très motivées par la suite de la recherche, et acceptant de longs entretiens semi-directifs portant sur l’ensemble de leur existence. L’idée innovante de leur présenter, en fin de parcours, les premiers résultats de la recherche et les albums des autres « informateurs privilégiés », est alors venue d’eux davantage que de nous. Cette approche a été très féconde, et c’est un de leurs cris du cœur, entendu dans des termes à peu près identiques dans les trois villes quand ils voyaient ces résultats, que nous présentons ci-dessous, « ça c’est mon architecture, l’architecture selon moi » (pas celle des autres, donc), qui nous donne le titre de ce trop bref article, nécessairement allégé de la plupart des précautions de langage indispensables dans un rapport de recherche (leurs propos ont été intégrés à nos commentaires des illustrations).

   
   

Si Malraux avait bien vu la relation narcissique à l’image, il n’avait sans doute pas pensé aux réactions que l’on a face aux musées imaginaires d’autrui. Quand nous avons présenté ces premiers résultats à certains participants qui le désiraient, ils se montrèrent choqués par la disparition dans la masse de leurs images préférées : les autres sont vraiment différents ! Scandale d’une altérité d’autant plus intrusive qu’elle se voit attestée visuellement, celle « du mauvais goût des gens » à un extrême. Mais également réactions de réassurance, à l’autre extrême, de retrouvailles avec des valeurs sûres, largement partagées, poussant parfois les conventions jusqu’au plus grand dénominateur commun de la carte postale. De façon peut-être plus subtile et intéressante, réactions également de curiosité devant des choix d’images et des albums personnels proches des leurs propres, mais qui démontraient des penchants rompant des habitudes ou des conventions et ouvrant sur du nouveau. Qu’il existe d’autres états d’esprit face au monde et à l’architecture, découlant à l’évidence d’autres fonctionnements psychiques, c’est un peu vexant mais cela peut parfois davantage inciter à aller vers l’autre et le comprendre qu’à le rejeter pour maintenir le confort de ses certitudes propres, y compris esthétiques.

   
   

Cette approche inter narcissique, qui n’était pas prévue au départ, s’est imposée comme évidente par la tournure qu’a pris le déroulement de notre recherche. Son parcours l’a menée du plus quantitatif au plus qualitatif, du sondage à la psychanalyse. Pourquoi Amsterdam, Paris, et Venise ? Il s’agissait, bien entendu, de tester l’hypothèse, souvent avancée dans le milieu des architectes, d’une moindre appétence envers les choses de l’architecture chez le public français. Pour cela, il nous a semblé évident de nous donner les moyens de comparer les attitudes du grand public français avec celles de groupes socioculturels analogues habitant des villes du Nord et du Sud de l’Europe. Le jeu-test permet au participant de naviguer entre les banques d’images et de les visionner avec ou sans consultation de leurs légendes explicatives, de comparer entre elles les planètes deux par deux, et surtout, c’était là le but, de créer ses propres albums ou musées imaginaires de façon très libre en combinant des images de n’importe quelles planètes. Malraux encore : « le musée imaginaire est un musée de souvenirs, mais de souvenirs réactivés par l’imaginaire », « ce n’est pas un palmarès, mais un musée mental, l’établissement d’une éternité de l’Homme, une victoire sur la mort ». Cette référence à la remémoration nous semble essentielle dans la discussion, classique, au sujet des relations entre l’architecture et son image. Nous n’avons pas recherché, à travers l’analyse des musées imaginaires (que nous appelons tantôt « albums », tantôt « groupes d’images ») choisis par les personnes interviewées, à établir des palmarès d’images d’architectures, mais, au delà des images, de décrire les mille façons de se situer par rapport à l'architecture elle-même, et le plaisir/désir lié à la dimension onirique des perceptions de la qualité architecturale. Cependant, aussi naïf que ce soit de présenter des « palmarès », la répétition insistante de certains types d’images nous y a malgré tout incité… Pour ce bref article, nous ne décrirons qu’une petite partie des éléments très riches que ces données permettent d’analyser :

   
   

1° les dimensions du visible les plus visitées et les thèmes autour desquels elles s’organisent ;
2° le classement des images d’architecture et de celles qui ne le sont pas ;
3° la part des sociocultures des trois villes.

   
   

Classements que, faute de place, nous restreindrons de surcroît aux seuls thèmes jugés positifs, laissant pour le rapport final les analyses plus fines et notamment l’approche par thématique d’image, moins spectaculaire que celle par images spécifiques.

   
   

1. Visiter et commenter des planètes d’architecture

   
   

Classées simplement d’après le pourcentage d’images choisies dans chacune, le classement des planètes ou systèmes solaires apparemment les plus intéressants nous montre que celles de Venise arrivent en tête : 98% de ses images ont été utilisées dans des albums, et, surprise, ce sont surtout les images d’architecture moderne ! Cependant, si les cartes postales de la Venise historique sont reprises uniquement dans des thèmes connotés positivement, l’on se montre beaucoup plus partagé face aux images de la Venise moderne, où les thèmes positifs, ambivalents et négatifs se voient attribuer respectivement le 50%, 25% et 25% de ces choix. Pour nos six interlocuteurs privilégiés, ceux qui se sont exprimés sur ces résultats en fin de terrain, le fait que 50% de l’architecture moderne à Venise soit jugée positive paraît un pur miracle, surtout quand, affinant les résultats, l’on s’aperçoit que c’est là le fait des vénitiens eux-mêmes…

   
   

Les planètes d’Amsterdam arrivent ensuite avec 79% de ses images reprises dans des albums, et surprise, ici aussi, d’y trouver davantage de rejet de l’architecture moderne qu’à Venise, malgré l’importance historique du mouvement moderne en Hollande. Paris suit loin derrière avec 55%, les cartes postales du Paris historique intéressant, ici encore, moins que les images d’architecture moderne, qui cependant sont beaucoup plus souvent rejetées que dans les deux autres villes.
Les autres systèmes et planètes, par ordre d’importance, sont ensuite : « le social », « la nature et l’environnement », « la ville », « les sociétés urbaines », « les Arts et architectures vernaculaires », « la chronologie de l’architecture », « l’humain », et « la chronologie de l’Art ». La bonne fiabilité du travail des participants se laisse apprécier au fait que dans « le social », la planète « guerres et conflits » obtient 84% de rejets, aucune expression d’indifférence, et quelques jugements positifs insolites, mais qui s’avèrent ne concerner que des photos montrant la liesse populaire à la fin des guerres…

   
   

Les thèmes traités par les albums d’images.
Concernant le genre d’albums constitués par les participants, l’on constate qu’ils mettent un point d’honneur à dépasser la banalité (voulue) des appellations des planètes du jeu d’image. Ils trouvent d’autres idées, bien plus originales car directement issues de leur problématique personnelle, comme nous l’espérions. Les thèmes abordent des registres très divers. Chez les participants clairement centrés sur l’architecture (la majorité des participants, dont sont loin de faire partie tous les architectes ou assimilés de notre échantillon témoin), ce qui frappe d’abord c’est l’absence quasi-totale de la notion du Beau : ce sont des gens avisés ! Les images jugées comme positives concernent les thèmes du plaisir d’espace pour soi-même (« celles qui me font le plus de plaisir », « les espaces qui me vont », « l’archi pour moi », « chez moi »), de la qualité (« l’admiration », « la vraie architecture » ), « les formes »), les lieux connus personnellement (« mémoires », « promenades », « le bien-être »), et des thèmes considérant l’architecture autre, ou des autres, mais néanmoins intéressante (« l’archi sensuelle », « le rêve », « la grandeur, le grandiose », « les mariages d’époques »).

   
   

Dans le registre de l’ambivalence, les expressions, reflétant l’ennui, sont plus banalement du genre « ça ne me parle pas » ; à l’exception de la délicieuse expression hollandaise, plusieurs fois avancée « c’est gentil sans plus » (« aardig, maar niet meer dan dat »).
Dans le registre négatif, on retrouve de la vigueur : « Je suis absolument contre ça ! », « c’est insensé », « le malaise », « peurs et angoisses », « laideur », « architectures du pouvoir », « à fuir », « archi déprimante », « le ridicule », « la fausse archi », et en Italie même « degli orrori architettonici » !
Dans les albums à dominante non architecturale règne une rafraîchissante fantaisie personnelle : « couleurs et lumières », « ma famille utopique », « recréation », « plaisir d’image », « le joli », « Moi », « l’homme idéal », « Sentiments », « hier ou demain », « le coup de foudre ». Ce n’est sans doute pas un hasard si le registre ambivalent est ici presque inexistant. Le négatif renvoie de façon assez homogène à « la mort », à « l’horreur », à « l’étrangeté », et à « la laideur du monde ».
Il va sans dire que la comparaison du contenu de ces albums laisse, aussi aguerri que l’on puisse se croire, une nouvelle fois pantois quant à l’extrême versatilité de la subjectivité humaine quand on découvre, au vu des images, que le sublime pour les uns, c’est l’horreur pour les autres, voire, encore pire, du « gentil sans plus »…

   
   

2. Etre classé par les images d’architecture / classer les images d’architecture

   
   
À l’issue de l’analyse de contenu des 600 groupes d’images nous croyons discerner assez clairement cinq attitudes différentes, qui ensemble décrivent une relation discontinue à l’architecture et à l’environnement, faite des passages, parfois impromptus, d’une attitude à une autre, selon l’humeur changeante des individus en réaction avec les architectures qu’ils rencontrent ou se remémorent. Ces cinq attitudes seraient celles des groupes que nous avons appelés, pour les raisons que l’on va voir, les « flâneurs », les « enthousiastes », les « historiens », les « sensualistes » et les « tragédiens ».
   
   

les flâneurs. Ce groupe parcourt en curieux un grand nombre de planètes différentes, sans chercher spécialement dans quel recoin de l’Univers ils trouvent le plus de plaisir, mais leur attitude un peu blasée fait place à de l’enthousiasme quand ils découvrent des images, y compris d’architecture, qui les « emballent », qui parviennent à renverser leur humeur. Ils croyaient tout avoir vu, et voilà qu’ils se trouvent devant des objets architecturaux renversants ! Mais ces découvertes tirent leur prix de leur rareté et du hasard de la trouvaille.

   
   

les enthousiastes. Assez semblable au précédant, ce groupe est, lui, constamment à la recherche de tels « objets architecturaux renversants », car il est beaucoup plus sensible à l’architecture, et d’ailleurs souvent composé d’architectes et assimilés. Au plan psychique, le renversement est recherché pour échapper victorieusement aux soucis du moment, ces objets possèdent le pouvoir d’extraire le sujet aux élaborations en cours de son Moi pour le ravir vers leur monde à eux, définition même de la séduction (étymologiquement, conduire vers soi). Les flâneurs semblent moins séductibles que les enthousiastes, pour des raisons de personnalité mais aussi de période de vie et de degré de difficulté de leur situation existentielle, momentanée ou durable.

   
   

les historiens. Ils ne se livrent que peu eux-mêmes, et jugent les images à travers le contexte socio-historique, ce qui les émancipe de l’esthétique : ce qui s’est passé à tel endroit prévaudra sur la qualité de l’endroit ; les débuts, la découverte, le moment où surgit l’idée nouvelle sont plus importants pour marquer la temporalité et donc la filiation, que la pure beauté hors contexte. Ils ressemblent aux enthousiastes par leur recherche constante des images qu’ils valorisent, mais le plaisir d’espace le cède ici à la maîtrise des origines, et la dimension monumentale redevient commémorative.

   
   

les sensualistes. À l’inverse des historiens, les sensualistes luttent contre la dictature du contexte (et sans doute, sur un plan plus psychanalytique, contre celle de leurs origines, à en croire les entretiens avec certains d’entre eux). Toutes les « belles images » sont rassemblées en des albums, dont les groupes sont tous positifs, décrivant leur adhésion à ce qui procure de « bonnes vibrations » dans la vie : l’architecture y apparaît comme cadre prometteur de plaisirs partagés autant que comme monuments secrets de leur narcissisme, elle est rarement recherchée pour elle-même.

 
   

les tragédiens. Ancrés dans le réel, et sans doute pour prévenir le malheur, ils le devancent sur un mode contre phobique en allant chercher un maximum d’horreurs, parfois architecturales, dans des groupes ainsi désignés. Très critiques et minutieux, ils peuvent choisir quelques rares images de « la vraie architecture » (et l’on est parfois étonné d’y découvrir les mêmes objets architecturaux qu’ils ont déclarés « horribles », simplement photographiés différemment). Ce pôle positif se voit alors attribuer l’immense importance de représenter tout ce qui vaut que la vie vaille malgré tout encore la peine d’être vécue…

 
   

les immanents. On peut, enfin, considérer comme un sixième groupe, « les immanents », les gens qui au départ avaient beaucoup aimé ce jeu-test, qui ont consacré du temps à le parcourir, mais qui n’ont créé aucun album, parfois en refusant de le faire. Environ 120 CD-Rom distribués auprès de gens en principe intéressés sont restés sans suite concrète en termes d’albums, ce groupe est donc très nombreux. La dizaine d’entretiens que nous avons malgré tout pu avoir avec eux montrent qu’ils n’attachent pas consciemment d’importance à l’architecture ni à la qualité de l’environnement bâti. Cependant, devant des images du malheur, de la guerre, de la laideur (le jeu d’image comporte également un côté « thanatos » et « eros », au sens freudien), ce groupe de personnes s’avère soudain très sensible à l’harmonie, la paix et la beauté du monde, dès que l’on risque de les perdre ! La qualité architecturale semble « naturalisée » par eux comme un « holding » permanent, un « arrière-plan » positif et acquis de naissance, mais ils ne s’en aperçoivent que quand elle disparaît, comme la bonne santé ne devient consciente que lorsqu’on tombe malade. L'attitude des immanents devant l'architecture se caractérise par la passivité, ils sont habitués à la permanence de la fonction de soutien de l'environnement et ne conçoivent que difficilement d'aller activement chercher des gratifications esthétiques… sauf pour contrebalancer une rupture de ce soutien rassurant. Mais ne sommes-nous pas tous dans ce cas, une grande partie de notre temps ?

 
   

La simple façon d’aborder le jeu-test (ou le « style de passation ») montrait déjà des différences d’attitude considérables ; chez les historiens et les enthousiastes, nous assistions à la capture initiale de toutes les images jugées intéressantes dans un seul grand fourre-tout, décanté ensuite dans des groupes aux dénominations très personnelles, très créatives. Le recours ou non aux légendes des images est différent également selon la famille d’attitude, les plus « narcissiques » (flâneurs, sensualistes et enthousiastes) ne consultent que rarement les légendes des photos, et inversement les historiens ne peuvent s’en passer pour se forger une opinion (les tragédiens donnent parfois même l’impression de pouvoir se passer des images et s’en tenir aux légendes). (1)

 




1
- La plupart des idées psychanalytiques de cet article ont été développées dans ces travaux antérieurs de l’auteur :
1995, Étude sur la validité des sondages d'opinion dans le domaine de l'esthétique architecturale, LEPSHA, février.
1995, « Architectures achevées, imaginaires en chantier », in : Espaces de vie, espaces d'architecture (ss. dir. Marion Segaud), PCA, avril.
1996, Densités et destinées des densités, Plan Urbain, novembre.
2000, Comparaison des contextes culturels français et hollandais, EUROPAN, Rencontre France-Hollande, Reims, 23 mars 2000.

   

 

 

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nég

(nombre de choix dans l'effectif global)

 

70

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0

Notre-Dame de Paris, 1163-1245, restaurée par Viollet-le-Duc entre 1845 et 1864.

 

70

15

<10

New Metropolis, Centre des Sciences et des Technologies, 1995-97, Amsterdam. Arch. : Renzo Piano

 

55

0

0

Venise, panorama de la Place St. Marc.

 

50

<10

<10

École d’Amsterdam : logements de la Vrijheidslaan, début des années 20

42

<10

0

Venise. Jardins de la Biennale, Pavillon de la Corée du Sud

 

40

0

0

La Maison de Verre, 1928-31, Paris. Arch. : P. Chareau et B. Bijvoet

 

40

0

0

Le Grand Louvre, 1989, Paris. Arch. : Ieoh Ming Pei

 

40

0

0

Maisons d'Haarlemmerbuurt, 1995, Amsterdam. Arch.: Claus et Real Kaan Architekten.

 

40

15

0

Venise, projet pour un 4e pont sur le Gran Canale, 1996. Arch.: Santiago Calatrava

 

35

0

0

Temple d’Apollon, Corinthe, ordre dorique, vers -540.

 

Dix images parmi les plus positives des albums personnels centrés sur l’architecture seule

 
   

Le résultat de ces dix premières images sur l’ensemble des trois villes a beaucoup étonné ; il montre le bras de fer au sommet entre les dimensions de la carte postale (Notre-Dame, la Place St Marc), et de l’innovation formelle aussi bien du New Metropolis de Piano que de l’école d’Amsterdam… Le Mouvement moderne suit ici juste après avec la Maison de verre et le pavillon de la Corée à Venise, dont l’intérêt parvient à devancer celui pour les monuments Antiques (Corinthe) ou exotiques (le Torii au Japon, dans les dix images suivantes, ill. 2). L’étonnement continue avec l’illustration 2, en voyant Nouvel et Scarpa ensemble, et le Palais des Doges à égalité avec le Centre Commercial Bercy 2 de Piano…
Mais sachant qu’il y a cinq familles d’attitudes envers les images, et trois cultures différentes, un tel résultat d’ensemble, en simple fréquence d’apparition d’images dans les albums, peut être soupçonné de mélanger des choix aux motivations très hétérogènes, ce que confirment les réactions des six personnes auxquelles il a été soumis, dont aucune n’avait fait des choix comparables !

 
   

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nég

(nombre de choix dans l'effectif global)

 

35

0

0

Japon, Torii d'Itsukushima, monument traditionnel shintoïste, Île de Miyajirna.

 

35

0

0

Venise. Cloître de Sta Apollonia, XIIe-XIIe S.

 

35

0

0

Amsterdam, le Brouwersgracht.

 

35

<10

0

Institut du Monde Arabe, Paris, 1987. Arch. : Jean Nouvel. Façade Est 

 

35

<10

0

Hôtel Industriel Jean-Baptiste Berlier, 1986-98, Paris. Arch. : Dominique Perrault.

 

35

<10

0

Venise, Fondation Querini-Stampalia, 1961-63. Arch.: Carlo Scarpa.

 

35

<10

<10

Amsterdam, Hubertus House, 1959, Arch.: Aldo van Eyck.

 

35

15

0

Venise. Palais des Doges, XIVe-XVe s., terminé en 1438.

 

35

<10

10

Centre commercial Bercy 2, Charenton-le-Pont (Paris), 1987. Vue générale. Arch. Renzo Piano.

 

35

0

15

Paris, restructuration de la Place Stalingrad, 1989. Arch.:B. Huet.

 

Dix images parmi les plus positives des albums personnels centrés sur l’architecture seule

   
   

De fait, en examinant ces 20 premières images selon les 5 familles d’attitudes, on voit que dans la famille des sensualistes (qui se reconnaît le moins dans ce résultat global), 8 images sur 10 sont situées ailleurs que dans les trois villes, et que les deux restantes sont à Paris… Les sensualistes, qui préfèrent s’évader des images d’architecture pour l’extrême diversité de celles d’autres univers, ne trouvent pourtant, en fréquence, ici d’autre dénominateur commun (3 images non architecturales sur 10 seulement). Les historiens et les tragédiens choisissent Amsterdam 7 fois sur 10 (une bonne moitié d’entre eux sont hollandais), les enthousiastes choisissent tout sauf Venise, et les flâneurs Paris et Venise à égalité. De façon générale, ce sont les monuments qui se taillent la part du lion dans ces 20 premières images positives, et les monuments sont fondamentalement à connotation phallique pour la psychanalyse la plus classique. Une image sans monumentalité, comme le Hubertus House de van Eyck, ne doit son succès, renseignements pris, qu’à la connaissance du contexte urbanistique et social qu’en ont les Hollandais et les architectes.

   
   

 

 

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nég

(nombre de choix dans l'effectif non-archi)

35

0

0

Alan Mendes, American Beauty, 1999

35

<10

0

Venise-Burano. Maisons multicolores.

30

0

0

Venise. Gondoles sur la Lagune.

25

0

0

Japon, Torii d'Itsukushima, monument traditionnel shintoïste, Île de Miyajirna.

25

0

0

Venise, Fondation Querini-Stampalia, 1961-63. Arch.: Carlo Scarpa.

25

0

0

La Déesse aux Serpents, céramique, 29,5 cm, c. 1600-1550 AC, Cnossos, Musée d' Heraklion.

25

0

0

Archipel des Célèbes, Océanie: maisons sur pilotis dans le lagon.

25

0

0

Stefano Secco, marchand de quatre saisons, en plein travail sur son épicerie flottante.

25

0

<10

Venise, Ponte dei Suspiri, 1595-1600. Arch.: Scarpagnino.

25

<10

0

Immeuble orange près de la Weesperzijde, Amsterdam, vers 2000. Arch. MVRDV.

Dix images parmi les plus positives des albums personnels non centrés sur l’architecture

   
   

La surprise est ici la bonne tenue de l’intérêt pour l’image d’architecture (8 images sur les 10 arrivant en tête) chez des personnes dont les albums sont dominés par des images non architecturales. Mais il s’agit moins ici d’objets architecturaux monumentaux que d’ambiances architecturales : l’eau, la couleur et les femmes dominent cette série. L’eau avec 5 images sur 10 où elle est présente. La couleur au Japon, en Polynésie, à Venise, et en particulier à Burano, et dans la maison orange d’Amsterdam. Les femmes avec le film American Beauty, la Déesse de Cnossos et la Hollandaise au chat et au vélo. Presque tous les contributeurs à cette série d’images sont sensualistes ou flâneurs, et concernant les femmes, ils semblent donner raison à Oscar Niemeyer qui pense que sans les femmes il n’y aurait pas d’architecture (Cf. Les courbes du temps, Gallimard 1997).

   
   

3. Amsterdam, Paris et Venise : le genius loci des habitants d’architecture

   
   

 

 

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(nombre de choix dans l'effectif d'Amsterdam)

25

0

0

Notre-Dame de Paris, 1163-1245, restaurée par Viollet-le-Duc entre 1845 et 1864.

25

<10

<10

École d’Amsterdam : logements de la Vrijheidslaan, début des années 20

25

0

<10

Amsterdam, Amstelhotel, 1863-67. Arch.: C. Outshoorn.

20

0

0

Amsterdam, Le Brouwersgracht.

15

0

0

Venise, Galerie Olivetti,1957-58. Arch.: Carlo Scarpa.

15

0

0

Les Arènes de Picasso, 1980-84, Marne-la-Vallée. Arch.: M. Nuñez-Yanovsky.

15

0

0

Venise. Jardins de la Biennale, Pavillon de la Corée du Sud

15

0

0

New Metropolis, (Centre des Sciences et des Technologies, 1995-97), vue depuis la Schreierstoren. Arch. : Renzo Piano

12

0

0

La Géode, Parc de la Villette, 1979-86, Paris 19e. Arch.: A. Fainsilber

12

0

0

Le Viaduc, St Quentin in Yvelines, 1979-81. Arch.: R. Bofill et Taller d'Arquitectura.

Dix images d'architecture parmi les plus positives choisies à Amsterdam

   
   

L’architecture moderne domine à Amsterdam, seule Notre-Dame et les maisons traditionnelles du Brouwersgracht parvenant en tête (on voit que ce sont les hollandais qui ont décisivement poussé Notre-Dame dans les 20 premières images des résultats d’ensemble en fréquence simple, ainsi que, dans une moindre mesure, l’école d’Amsterdam et le pavillon de la Corée). L’eau concerne la moitié des images, mais Venise est absente… Deux étonnements, le score élevé du Amstelhotel, éliminé comme médiocre par les participants de Paris et Venise, et celui des Arènes de Picasso. Pour le premier, les personnes consultées au sujet de ces résultats ont expliqué qu’il était extrêmement bien situé dans la ville, agréable à regarder au bord de l’eau en passant devant en vélo sur le chemin du travail, et que de nombreuses personnalités y avaient séjourné : arguments affectifs avant tout. Les Arènes amusent les hollandais à cause de la rondeur, très insolite dans l’architecture hollandaise (patrie de Mondrian…).

   
   

 

 

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(nombre de choix dans l'effectif de Paris)

 

25

0

0

Temple d’Apollon, Corinthe, ordre dorique, vers -540.

 

25

0

0

Le Grand Louvre, 1989, Paris. Arch. : Ieoh Ming Pei

 

25

15

<10

New Metropolis, Centre des Sciences et des Technologies, 1995-97, Amsterdam. Arch. : Renzo Piano

 

20

0

0

Le Amsterdam, reconstruction d’un trois-mâts du XVIIe s., devant le Scheepvaartmuseum.

 

15

0

0

Casa Battló, 1904-1911, façade, Barcelone, Espagne. Arch.: Antoni Gaudí

 

15

0

0

Sydney Opera House, 1957-73, Sydney, Australia. Arch.: Jorn Utzon

 

15

0

0

Puente de la Reina sur l'Arga, Navarre, Espagne.

12

0

0

Chapelle Notre-Dame du Haut, 1950-54, Ronchamp. Arch.: Le Corbusier.

 

12

0

0

Guggenheim Museum, 1956-59, New York, USA. Arch.: Frank Lloyd Wright

 

12

0

0

Hoogkade, logements, 1999-2000, Amsterdam. Arch.: Diener & Diener, Bâle (Suisse).

 

Dix images d'architecture parmi les plus positives des albums personnels choisis à Paris

   
   

Encore plus portés sur les monuments phalliques, ce sont les parisiens qui ont poussé en tête, dans les résultats d’ensemble, le temple grec à Corinthe, le Grand Louvre de Peï et New Metropolis, à égalité… Ils ignorent presque tous que c’est le même architecte, Piano, qui a conçu New Metropolis et le Centre Pompidou, absent de ce hit-parade. Aucune image de Venise, ici non plus, mais celle du fier trois-mâts de l’aventure maritime, maintenant cathédrale ancrée dans la ville, et devançant la Casa Battló. La couleur semble avoir fortement aidé l’Opéra de Sydney (dont d’autres images plus calmes ont eu nettement moins de succès), et le Puente de la Reina. Le moderne est apprécié quand il est devenu classique (le Ronchamp de Corbu, le Guggenheim de Wright…), y compris le néo-moderne du projekt Hoogkade, tout aussi monumental. Plus de la moitié des images concerne, ici aussi, des bâtiments se reflétant dans l’eau, et cela paraît plus insolite qu’à Amsterdam ou Venise, mais nous avons enquêté auprès des riverains de l’Ourcq, de la Bastille à la Villette…
Peut-on encore penser, en voyant ces dix chefs d’œuvre portés aux nues par une trentaine de parisiens, dont seuls trois étaient architectes, que les Français sont nuls en architecture ?

   
   

 

 

pos

indiff

nég

(nombre de choix dans l'effectif de Venise)

 

25

0

0

New Metropolis, Center of Sciences and Technologies, 1995-97, Amsterdam, Arch.: Renzo Piano.

 

20

0

0

Centre commercial Bercy 2, Charenton-le-Pont (Paris), 1987. Vue générale. Arch. Renzo Piano.

 

20

0

0

Maisons d'Haarlemmerbuurt, 1995, Amsterdam. Arch.: Claus et Real Kaan Architekten.

 

20

0

0

Ex-American Center, 1994, Jardins de Bercy, Paris 12e. Arch. Frank O. Gehry.

 

20

0

0

Wozoco, housing for the aged, Osdorp (Amsterdam), 1994-97. Arch.: MVRDV Agency.

 

20

0

0

Extension du Musée van Gogh, 1996-98. Arch.: Kisho Kurokawa.

 

20

0

0

Venise, projet pour un 4e pont sur le Gran Canale, 1996. Arch.: Santiago Calatrava

 

20

0

0

Venise. Ospedale Civile. Arch. Semerani et Gigetta Tamaro. Entrée des urgences.

 

15

0

0

Venise, Jardins de la Biennale. Pavillon des Pays Scandinaves, 1960. Arch.: Sverre Fehn.

 

15

<10

 

Venise, Gare Sta Lucia, 1952-55. Arch. Paolo Perilli et Ufficio Tecnico FF SS.

Dix images d'architecture parmi les plus positives des albums personnels choisis à Venise

   
   

Les vénitiens portent en tête les deux réalisations de Piano, New Metropolis et le Centre commercial Bercy 2. Ils n’ignorent pas, dans leur grande majorité, qu’il a également conçu le Centre Pompidou et qu’il est italien (mais les images de son remarquable HLM de la rue de Meaux à Paris 19e passent totalement inaperçues, n’ayant rien de monumental). Le mariage ancien-moderne à Amsterdam (les maisons d’Harlemmerbuurt de Claus et Kaan) leur plaît beaucoup, mais la surprise est dans l’absence de toute autre référence à l’architecture historique : est-on, à Venise, totalement saturé d’historicité ? Au point de préférer la gare Santa Lucia ou l’entrée des urgences du nouvel hôpital aux Palazzi mondialement célébrés ? Ces deux réalisations, nous disent-ils, ont beaucoup fait pour rendre supportable la vie quotidienne à Venise ! Il ne faut donc pas confondre la Venise des admirateurs (qui sont largement dans le seul principe de plaisir), et celle de ses habitants (qui doivent vider la poubelle, faire les courses, etc. : un grand centre commercial est à Venise une image très désirable, et devient une image de rêve quand il est l’œuvre d’un Piano !). Dans le même esprit, on remarquera qu’ici, contrairement à Paris et Amsterdam, seules trois images concernent des bâtiments se reflétant dans l’eau…

   
   

4. Conclusions : l’architecture dans ses deux moments

   
   

Il nous a fallu un certain effort pour sortir de la fascination des images et du visuel pur, et tenter de chercher, notamment, à quoi pourraient correspondre ces « objets architecturaux renversants », dont les personnes nous parlent lors des entretiens. Un de nos enthousiastes les a comparés à la musique : « dans n’importe quelle galère que je sois, si j’entends le début de la 8e de Beethoven, ça arrache ! » Nous avons noté plus haut cette fonction séductrice de l’objet renversant chez les enthousiastes, qui, accros, l’utilisent à volonté. Les flâneurs attendent qu’elle survienne, il faut qu’elle soit une bonne surprise au détour d’un cheminement errant, qui en semble la condition : les flâneurs se montrent passifs là où les enthousiastes sont actifs. Les « objets architecturaux renversants » peuvent opérer sur plusieurs modes, car (si l’on veut bien maintenant nous suivre dans une modeste tentative de théorisation de tout ceci), ce n’est évidemment pas l’objet tridimensionnel, mais l’objet psychique auquel il correspond que sa rencontre réactive, qui opère le renversement d’humeur. Selon qu’ils concernent des architectures connues ou inconnues, ces objets prennent le pouvoir tantôt parce qu’ils font sortir de l’image, par la remémoration de l’expérience de l’espace vrai, tantôt au contraire parce qu’il sont riches en attentes fantasmées, en promesses de découvertes innovantes. Les retrouvailles avec du connu sont très prisées des historiens mais également des sensualistes, et l’aventure objectale l’est davantage par les flâneurs et les enthousiastes, tandis que les tragédiens n’ont pas trop de ces deux fonctions pour contrebalancer leur pessimisme, passager ou définitif. Un certain nombre de personnes ont joué plusieurs parties assez différentes, qui relèvent d’attitudes parfois opposées, et ceci illustre, pensons-nous la complémentarité, la dualité et/ou l’ambivalence des attitudes envers l’architecture. On demande à l’architecture des choses différentes à des moments psychiques différents. Cela nous a fait avancer l’hypothèse qu’il existe des « moments forts d’architecture », remémorés ou fantasmés/désirés, où des sentiments conscients sont exprimés, mais qu’existe aussi un arrière-plan permanent de soutien (« holding ») par l’environnement et la qualité architecturale, presque toujours inconscient.
Le résultat le plus général de notre recherche serait alors, tout d’abord, le constat que le rapport conscient du grand public à l’image d’architecture ne renvoie pas à l’architecture pour elle même, mais à ces « moments d’architecture », des irruptions surprenantes du devenir conscient du « holding » assuré par la qualité de l’architecture et de l’environnement. Ce qui fait que le ressenti de l’architecture serait pris dans une temporalité discontinue, l’imprévu ne pouvant advenir à intervalles réguliers… Moments d’architecture donc au sens du momentum en physique, un instant où la situation ancienne bascule pour donner lieu à une réalité nouvelle.
Il est facile de voir, sur un plan psychanalytique, que ces moments constituent autant de bonnes surprises, des « moments-monuments » de type irruption phallique (« sidération et lumière ») par rapport à la fonction de base plus inconsciente dans laquelle une présence maternelle plus calme est déléguée à l'architecture. Nous n’avons pas abordé ici le registre négatif, et il existe évidemment aussi des irruptions qui constituent de mauvaises surprises ! Mais l’essentiel, la fonction fondamentale d’événement, reste assuré. L’ensemble nous paraît restaurer symboliquement la ternarisation œdipienne classique par laquelle l’enfant passe des mille avatars de la relation à deux avec sa mère, à une relation à trois incluant les diverses figurations du père ; mais il faut comme toujours distinguer entre les père et mère réels et l’image qu’ils ont laissé autrefois dans la psyché de l’enfant. Ce que l’on semble inconsciemment demander avant tout à l’architecture serait donc d’assurer en arrière-plan la présence rassurante d’un environnement familier de type maternant, un « holding » selon Winnicott, dont l’importance se voit ponctuellement confirmée, en contrepoint, par ces surprises phalliques sous la forme d’évènements architecturaux à effet monumental.
Le grand succès des images de monuments semble lié à cet effet d’irruption. Tandis que l’autre grand succès, tout aussi remarquable, des images de bâtiments se reflétant sur l’eau, serait peut-être lié à la seconde fonction, celle du soutien de type maternel. Le reflet renvoie à des problématiques spéculaires bien plus archaïques, celles, connues, du narcissisme, du double et de « l’inquiétante étrangeté », mais concernant plus spécifiquement le reflet dans l’eau d’une œuvre architecturale on se prend à penser qu’il la complète et la subvertit à la fois : là où le monument au dessus de l’eau est impassible et bâti pour l’éternité (au plan du fantasme tout au moins), le reflet est sensible au moindre caprice du vent, de la lumière ou du ricochet d’un gosse qui joue… L’architecture défie la mort, le reflet préfère l’incertitude jubilatoire du vivant. Chacun satisfait une part essentielle de notre fonctionnement psychique.