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Pourquoi les femmes ont-elles des seins ? (1997)
Résumé des principales hypothèses constituant la TMH, théorie de la marsupialité humaine
(mise à jour du texte d’avril 1986).
1 - Les
seins des femmes sont une énigme anatomique. Pour allaiter, il n’y a
pas besoin de seins, chez tous les mammifères des glandes mammaires y
suffisent. La forme spéciale des seins humains est expliquée par D.
Morris par l’évolution de la séduction sexuelle (la « perte » du signal
de la vulve multicolore des primates, lors de la station debout, aurait
entraîné l’apparition de signaux frontaux rappelant les fesses, cf. Le singe nu).
Helen Fisher renchérit pour sa part sur cette théorie, en détaillant
tous les plaisirs liés aux tétons et aux aréoles qui en font, pour
elle, un item anatomique purement sexuel (The sex contract);
elle dénie là à mon sens un plaisir érotique de l’allaitement, encore
scandaleux sans doute aux USA... Je critique Morris et Fisher,
excellents anthropologues mais mauvais ethnologues : l’ethnographie des
modalités de la vie sexuelle selon les cultures (comme celle, assez
exhaustive, de Ford et Beach en 1952) n’en montre qu’une douzaine
(surtout la nôtre) où la théorie de Morris marche; dans des centaines
d’autres cultures les seins ne sont pas investis comme symbole sexuel;
ils sont même frappés de tabou sexuel ! L’érotisme mère-bébé,
ainsi préservé du monde sexuel adulte, est, tacitement du moins,
presque partout admis.
Je
retiens de Morris/Fisher l’idée importante d’un déplacement (d’une
imitation anatomique d’autres items corporels), mais pour moi le
relativisme culturel pèse suffisamment lourd pour qu’une autre fonction
doive être cherchée qui soit mieux à même d’expliquer l’invention des
seins humains de façon satisfaisante, comme le demandait déjà H. Ploss
en 1884 (Das Weib, ch.8). L’idée très importante de Weston La Barre (l’animal humain,
1946) d’une interdomestication de leurs corps respectifs par le désir
de chacun des deux sexes contenait d’ailleurs toute la démarche de
Fisher, à un niveau théorique plus fort (le pénis humain est tout aussi
extraordinaire que les seins).
2 -
Mon maître et ami Georges Devereux répétait que plus une lacune
scientifique est grande et ancienne, et plus elle peut cacher quelque
chose d’important. La cécité scientifique devant l’énigme anatomique
des seins des femmes est sans doute le signe d’une grande portée
anthropologique de leur fonction cachée. La cécité en question s’appuie
en partie sur l’énorme popularité folklorique du thème des seins, au
sujet desquels il semble acquis qu’il n’y ait rien à penser ni à
comprendre : c’est un sujet futile et plaisant, à moins de s’occuper du
cancer. Les féministes, pour leur part, démontrent de l’hostilité face
à ce thème, qui pour elles est avant tout celui d’une partie du corps
de la femme qui plaît beaucoup trop aux hommes. Simone de Beauvoir
déclarera ainsi à plusieurs occasions que « les seins, les fesses, les femmes peuvent en faire l’ablation sans inconvénient à tout âge de leur vie » (à la télévision vers 1980, et dans Le deuxième sexe,
p.48). De même, quand les féministes anglaises décidèrent de rééditer
le gros livre de Ploss pour se gausser des bêtises des savants
misogynes du XIXe siècle (comme elles l’ont fait en France en
ressortant des perles telles que De la débilité mentale physiologique chez la femme
de Möbius, 1898), devant enlever un chapitre, elles enlevèrent
précisément celui des seins ! (Le chapitre huit, cf. Paula
Weidegger, History’s mistress, 1986).
Pour
une autre partie, l’importance initiale des seins est oubliée du fait
d’un déplacement inconscient de leur investissement vers les yeux, les
testicules, les oreilles ou les rotules (chez les Grecs les rotules des
femmes étaient excitantes, Devereux, cf. aussi le destin de son propre
article The testicle-breasts equation, que Lévi-Strauss a utilisé sur le mode plaisant dans les Mélanges offerts à Devereux, pour le supprimer plus tard dans Le regard éloigné).
Le
côté tout à fait plaisant du thème des seins est inévitable, et ne doit
pas être évité ici : au lieu de chuter dans l’esprit de sérieux, il
doit être assumé, et dépassé, car il constitue un mécanisme de défense
(contre leur trop grande importance dans la psychogenèse et
l’hominisation?) par la banalisation et l’humour, proche du Mot d’esprit de
Freud... Si de cette façon on dénie aux seins leur importance réelle,
certains hommes y parviennent, au contraire, en devenant leurs
adorateurs : Ramón Gomez de la Serna, Russ Meyer, les auteurs de chez
Pauvert, etc. (En février 97, Du monde au balcon, l’anthologie des avantages,
de Matthieu Rivière). Leurs motivations probables restent obscures,
malgré un article de Ferenczi sur les amateurs de gros seins
(équivalence avec le volume de leur tête). Importance également des
gros seins dans l’art naïf et l’art brut. Les fantasmes de la bande
dessinée, et en général les figurations désirantes du corps des femmes
depuis les Déesses-mères en disent aussi long sur le désir masculin que
sur celui des femmes dans le processus d’interdomestication de La Barre
(confirmé par les expériences sur la dilatation instantanée de la
pupille en présence d’objets de désir).
3 -
La théorie de Mélanie Klein, décisive en son temps pour l’évolution des
idées psychanalytiques, contient à cet égard une manœuvre sans doute
inconsciente, où le sein (un sein unique, « bon » ou « mauvais »)
prendra finalement la place du pénis dans la théorie phallocentriste de
Freud. Cependant, avec Winnicott et son objet transitionnel, qu’en
partie il a théorisé contre l’insupportable duo Klein/Anna-Freud, on se
rapproche sérieusement de la vraie fonction anthropologique des seins.
Similitudes et différences entre l’objet transitionnel de Winnicott et
le vrai sein. Non-détachabilité symbolique du sein pour Freud
(contrairement au pénis). Importance primordiale du regard de la mère
chez Winnicott : pendant que l’enfant boit le lait au sein, il boit les
affects de sa mère à son regard. Les fantasmes seins-yeux (cf. Le viol,
de Magritte, titre qui mérite psychanalyse à lui seul) me semble
procéder de l’hésitation du nourrisson entre les deux axes horizontaux
de la mère, essentiels à son stade de développement, l’axe des
nourritures terrestres qui passe par les deux aréoles, et l’axe des
nourritures affectives (cf. Cyrulnik), qui passe par les deux pupilles
de la mère (pupilles dilatées de plaisir, le plus souvent).
Dilatation
de la pupille et degré de sublimation du plaisir, expériences de E.
Hess, hypothèses « marsupiales » sur les fondements dyadiques de
l’hypnose, jonction vers les travaux de F. Roustang.
Thèse
de J. Lanouzière sur le sein dans les théories psychanalytiques (celles
des femmes analystes essentiellement). Thèse de Laplanche sur le «
signifiant énigmatique » du sein, comme origine des origines. Remarque
de Castoriadis sur Freud, qui, quasiment à l’agonie, écrit en 1938 « Ich bin die Brust » (cf. Fait et à faire, p.141).
4 -
La fonction vraie n’est compréhensible qu’en prenant préalablement en
compte le fait que les seins sont au nombre de deux et qu’ils
délimitent ainsi une zone, celle de l’entre-seins (en grec kolpos,
ou golfe). Ce kolpos ou entre-seins constitue avec les deux seins une
zone maternante du corps de la femme , traditionnellement appelée le giron (Bosom, boezem, regazo, etc. dans d’autres langues européennes), ou le sein (au singulier) au sens d’au sein de. Le sinus latin désignait cet entre-seins et non les deux promontoires qui le jouxtent.
Manie
des psychanalystes de ne parler que du sein au singulier, là où Freud
hésitait entre le singulier et le pluriel; avec Klein, le singulier
triomphe du fait qu’elle se place résolument dans l’univers oral (une
seule bouche, un seul sein, alternativement bon ou mauvais). Winnicott
se demandera à la fin de sa vie si pour le bébé il y a un ou bien deux
seins : « [...] Can you tell me whether a baby fed at two breasts knows of two, or is this at first a reduplication of one? » ( home is where we start from, p.64).
Sillon
intermammaire et fantasmes de « matrice à l’air libre » (Monique
Schneider); décolleté mondain et vertiges; séduction et « chute »
régressive vers les origines fusionnelles. Les seins des femmes
seraient socialement montrables comme « vrai sexe de la femme », un
en-plus apparemment aussi volontaire que l’appareil génital masculin
par son extériorité, mais plus « noble » par son élévation (éloignement
de la zone génitale et rapprochement du visage, dont ils semblent mimer
le regard).
Exemples
ethnologiques de sociétés aux seins socialisés (les femmes y allaitent
tous les enfants) : les seins des femmes leur appartiennent-ils
vraiment ? On peut penser que comme les organes sexuels, ils «
appartiennent » à l’espèce et non aux individus. Leur grande diversité
de formes, à corps égal ou comparable, leur donne un air libertaire,
indépendant, qui semble manifester un autre « projet » architectural
que celui du corps de la femme qui les porte.
La
société occidentale normalise les seins des femmes par la
standardisation de leurs silhouettes, obtenue de nos jours (depuis cent
ans) par le port de soutiens-gorge qui ramènent la profusion anarchique
des formes des seins à une petite trentaine de catégories. Cette
normalisation s’inscrit bien dans le projet prométhéen des sociétés
industrielles, que préfigurait le cri du cœur de la dame italienne mal
contentée par Rousseau : « lascia le donne e studia le matematiche! »
5 -
Une théorie inspirée des kangourous pour cette zone-de-la-mère : sa
vraie fonction est analogue à celle de la poche marsupiale, un lieu où
le bébé humain très prématuré trouve un « atelier de finition »
extra-utérin, lui permettant de commencer à développer sa relation
active au monde extérieur. La forme d’allure hémisphérique et la
mollesse du sein se laisse dès lors comprendre comme un rappel
postnatal des caractéristiques du placenta, qui était pour le fœtus
dans la vie intra-utérine le premier schème d’une future relation
d’objet. Il y a donc une « marsupialité humaine ».
Mais
déjà, concernant le placenta et la vie intra-utérine, la plupart des
auteurs souffrent, sans doute à leur insu, d’un blocage qui me semble
d’origine religieuse. La vie intra-utérine a fait l’objet d’une
idéologie paradisiaque, parfaitement formulée par Rank : la naissance
constitue un traumatisme, celui de la perte du paradis. Cela est
critiquable, car rien ne prouve l’état de félicité originelle du fœtus,
bien au contraire. Cyrulnik (op.cit.) recense tous les travaux qui
prouvent la transmission croissante des affects de la mère au fœtus, et
son activité d’exploration de " la caverne utérine ". Pendant la vie
intra-utérine, le fœtus est tranquille quand sa mère est tranquille,
elle est la seule réalité du fœtus. Mais il perçoit l’existence d’un
monde au-delà de la mère, et il a des réactions d’inquiétude lors de
ces perceptions. Cet au-delà de la mère, il demande à y aller, il veut
naître et voir. L’angoisse de l’accouchement (qui reproduit peut-être
davantage celle de sa mère qu’elle ne lui est propre) est suivie par
l’accès en pleine lumière à cet au-delà qu’il reconnaîtra, et dont la
reconnaissance dans une certaine lucidité fera suite à la confusion des
perceptions intra-utérines. N’y a t-il pas là un modèle, une séquence
que l’on reconnaît dans la plupart des religions, quand elles nous
promettent une autre vie, meilleure, après la mort?
Dans
sa caverne utérine le fœtus n’est pas seul, il y a « quelqu’un d’autre
», une entité puissante, bruyante, aussi grande que lui, qui le protège
en filtrant ce qui est à sa mère et ce qui est à lui, et qui accepte
ses mouvements en s’adaptant à sa forme sans rien demander en retour,
bref qui accepte « tout » de lui. C’est le placenta, qui constitue de
ce fait un schème premier de la relation d’objet.
6 - C’est
après sa sortie héroïque dans la lumière, que l’ex-fœtus fera une
expérience peut-être traumatique en effet, celle de la complexité. S’il
reconnaît bien une grande partie de ses perceptions anciennes dans ce
nouveau monde de l’au-delà de la mère, une autre partie non moins
considérable est entièrement nouvelle pour lui, à commencer par
l’expérience de la vue de formes autant affirmées que les siennes, là
où la caverne, le placenta étaient informes (seuls ses pieds, ses
mains, avaient une forme « ressemblant à quelque chose » auparavant
(cf. le passage de l’informe au formé dans Levi-Strauss, La potière jalouse).
Débordé par les stimuli qui le sollicitent de toute part, l’enfant
néonatal est stressé (au sens exact de la définition du stress).
J’avance
que la forme très spéciale des seins humains est destinée à fournir un
repère (et un repaire) à cet explorateur débutant : ils ressemblent en
effet beaucoup à son bon vieux placenta ! Avec quelques
différences qui, cependant, marquent le changement d’époque : ce
nouveau compagnon a sa propre forme à lui, qu’il perd si on le déforme,
mais qu’il reprend immanquablement. Le sein, contrairement au placenta,
paraît avoir du quant à soi. Il est davantage un objet. Et il y en a
deux.
Le
bébé croit-il rêver en voyant que le placenta, son autre lui-même des
origines, l’a accompagné dans son voyage, qu’il est devenu sein, comme
lui-même a été changé par sa naissance, et que cet ami décidément
fidèle a lui aussi un compagnon fidèle, qui lui ressemble bien
davantage qu’ils ne se ressemblent tous trois? C’est peut-être cette
interrogation que pressentait Winnicott (op.cit.).
Le
premier environnement, celui du giron de la mère, n’a donc pas
seulement pour fonction d’offrir au bébé sa nourriture (ce qu’un
biberon fait aussi bien) mais surtout de lui offrir le terrain de jeux
où il pourra commencer à se décanter psychiquement de la mère par
l’élaboration de la dyade fusionnelle des débuts en deux « objets »,
moi et non-moi. En particulier, les jeux du nourrisson avec le sein
montrent une séquence où 1°) la petite main du bébé détruit la courbe
idéale du sein en la déformant; 2°) cette destruction s’annule dès que
la petite main se retire; 3°) la courbe initiale se rétablit
pleinement. Cette séquence constitue l’expérience d’une
indestructibilité de la forme du sein, et donc de l’environnement
premier, qui fondera la confiance de base dans la réalité extérieure et
prépare l’avènement de l’objet transitionnel winnicottien.
7 - Une autre séquence se joue entre les seins, là où le kolpos,
par sa dureté contrastant avec la mollesse « sympathique » de ses deux
globes voisins, rassure le bébé lové au corps de sa mère que la fusion
à la mère n’ira pas plus loin : les expériences néonatales du bébé avec
ses limites et celles de sa mère ne sont pas sanctionnées par un
engloutissement dans une nouvelle vie intra-utérine grâce à la
résistance de l’entre-seins. Cette solidité de la mère vient compléter
le holding winnicottien et permettre d'affronter la
régression dans l'espace transitionnel, sans danger de tomber « à
l'intérieur de la mère » (à l'intérieur de sa réalité psychique), comme
l'a proposé Francis Pasche au sujet de la distinction entre réalité
psychique et matérielle à travers la métaphore d’un sein-balcon
permettant de se pencher sans crainte au dessus du vide (cf. Francis
Pasche, 1975, « Réalités psychiques et réalité matérielle », nouvelle revue de psychanalyse 12).
8 -
L’avènement des seins chez les jeunes filles pubères constituerait une
préparation à la maternité non seulement au plan psychique, mais déjà
dans ce que Mauss appelait « les techniques du corps » : les seins sont
l’annonce de quelque chose qu’il faudra un jour materner en le tenant
lové contre sa poitrine, le bébé, comme à la puberté elles « maternent
» leurs seins en voie d’éclosion. Terreur de la puberté : avec quoi
vais-je me retrouver ? Thème complexe de la métamorphose pubertaire
féminine, de l’auto-maternage, de la magie et la misogynie : les
sorcières et les sauvages ont des seins pendants (cf. Bücher; Lederer, Gynaephobia).
Si la Louve de Rome a des seins humains, c’est que la survie des
jumeaux est impensable autrement; mais la même Louve en version
Flamande a des seins à la Rubens. Thème de la « guerre des seins »
mère-fille à la puberté selon les avatars de leur(s ) œdipe(s).
Exemples cliniques rejoignant Groddeck et Reich (en partie).
9 -
On peut voir une confirmation de l’importance première du rôle des deux
seins dans la psychogenèse de l’enfant (après la période de l’objet
transitionnel abondamment décrite dans la théorie winnicottienne) dans
le succès mondial du personnage de Mickey Mouse. Son succès ne se
dément pas chez les enfants de toutes les cultures depuis plus de
soixante ans. Les oreilles de ce personnage, en effet, ne sont jamais
montrées de profil, mais restent toujours bien rondes indépendamment de
son attitude. Cela n’est possible que si ces oreilles sont en fait deux
sphères, qui constituent un puissant rappel des seins de la mère au
moment où le petit enfant abandonne la tridimensionnalité de l’objet
transitionnel pour la représentation plane de l’image de BD ou des
dessins animés (elle-même une étape de l’acquisition de l’abstraction
et de l’écriture). Cette « régression » vers un idéal sphérique de la
forme primitive de l’objet transitionnel est nécessaire comme
symbolisation de la protection qu’offre le bon objet intériorisé pour «
sortir » et faire face aux aventures dans la réalité sociale.
Papyrus
égyptien, au musée du Caire, d’un conte pour enfants (les chats
invitent les souris à déjeuner) montrant un « mickey » parfaitement
disneyen, mais vieux de trois mille ans. Popularité de toute sorte de
couvre-chefs à oreilles, chapkas, casquette de Sherlock Holmes.
Évolution graphique du personnage de Mickey, relevée par Stephen Jay
Gould, et qui correspondrait à une inversion de la néoténie : adulte au
début, il serait devenu bébé sous la pression de la censure. Je peux
ajouter qu’autrefois (dans sa phase adulte) les oreilles de Mickey ne
présentaient pas le caractère « transitionnel » inaltérable qui devait
faire son succès mondial (trop réalistes, on les voyait parfois de
profil).
10 -
Il va de soi qu’une partie du corps aussi vitale aux débuts de la vie
jouera également dans la vie adulte un rôle important à certains
moments (en plus, bien sûr, de son importance dans l’érotisme
occidental). Au plan individuel, on assiste à des mouvements plus ou
moins symbolisés de « retour au giron » lors de dépressions et
régressions. Mais au plan social également, on peut penser de façon
plus ethnopsychanalytique que la différence entre des cultures où l’on
aime bien les seins et celles qui préfèrent les éviter va plus ou moins
de pair avec celle entre les « sociétés chaudes » et « froides » dont
parle Lévi-Strauss : ces dernières avaient organisé la « réalité » de
façon si répétitivement rassurante qu’elle fonctionnait comme «
sein-monde ». Le mythe M29 Sherente, dans Le cru et le cuit en est une illustration emblématique : «
Autrefois il n’y avait pas de femmes; les hommes étaient homosexuels.
Un jour, à la chasse en forêt, ils découvrirent une femme, perchée en
haut d’un arbre. Ils se la disputèrent, et finirent par la déchirer en
morceaux. Chaque homme emporta chez lui un morceau de femme, et ils
repartirent à la chasse. Le lendemain, à leur retour, une femme se
tenait devant chacune de leurs cases, chaque homme avait une femme.
L’une d’elles était jolie : c’était celle qui était issue de la
poitrine de la femme originelle » (résumé de M29).
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